Peut-on laisser tout dire sans réagir ? En effet, lorsque l’on lit la déclaration de Martine Aubry rapportée par JD Merchet, peut-on se taire ? Certainement pas.
Que dit-elle de si grave ? Réduisons les effectifs des armées pour permettre les créations d’emploi dans l’éducation, la police, la justice. Loin de moi de critiquer la prise de position d’une personnalité politique, après tout, elle est dans son rôle. En revanche que laisse-t-elle supposer par un tel écart de langage dans sa réflexion politique, ce qui est bien plus dommageable ?
Je pourrai supposer qu’elle a été un ballon d’essai du gouvernement pour amorcer le transfert des effectifs militaires vers la fonction publique. Il est vrai, et je l’avais déjà écrit (Cf. Mes billets du 27 mai 2012 et du 11 mars 2012), que le flou du candidat Hollande pour honorer ses promesses de création de quelque 60 000 postes n’a jamais été levé. Les commentaires des internautes au blog de Merchet m’évitent d’évaluer publiquement l’effet obtenu. Les témoignages d’attention portés aux armées par l’exécutif n’auraient-ils été qu’un leurre ? Je n’ose y croire.
Une autre supposition serait l’objectif de Martine Aubry d’affaiblir le nouveau chef des armées qui, avec son ministre de la défense, a pourtant multiplié les démonstrations publiques pourtant bien ressenties, envers les armées : déplacement en Afghanistan, discours positifs sur le rôle des armées, visites aux militaires blessés. Il s’agirait donc d’un banal règlement de compte politique, au cours d’un débat, dont les militaires ne seraient que des dommages collatéraux. Cela aurait justifié d’autant plus une réponse.
Une dernière supposition serait l’instrumentalisation des propos de Martine Aubry par JD Merchet, fin connaisseur des questions de défense. Pour faire préciser l’avenir des forces armées et lever le flou déjà signalé ?
Cependant un dernier point me semble tout aussi grave. En déclarant « Il y a un accord avec l’armée – nous y avons beaucoup travaillé – pour réduire l’armée », Martine Aubry, met en cause les chefs militaires qui auraient été consultés sur ces transferts et donc amène le doute sur la confiance que la communauté militaire peut leur accorder. Le problème est que, si effectivement, les armées font l’objet d’une nouvelle déflation, les propos de Martine Aubry seront crus. Je ne suis pas certain que cela se passe très bien.
Alors que dire, sinon qu’il aurait été souhaitable que les propos soient démentis par le ministre de la défense ou par le chef d’état-major des armées. Les quelque 160 commentaires au blog de JD Merchet, et leur virulence, montrent à quelques exceptions près l’exaspération des internautes qui pourraient bien appartenir à la communauté militaire.
En revanche, une absence de démenti serait en soi une réponse et renforcera les craintes exprimées de plus en plus, ça et là. A la veille du lancement d’un nouveau livre blanc annoncé dans les six mois et de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire prévue pour l’été 2013, n’est-ce pas d’ailleurs ce que la communauté militaire doit redouter surtout si l’on se réfère à l’article de Nathalie Guibert (Le Monde du 1er juin) qui cite un responsable de la défense sous couvert d’anonymat : « nous allons aborder des questions dures car il faudra aller vers l’abandon de capacités militaires ». Nous y serions donc. La France ne sera plus en mesure d’agir seule par ses capacités nationales. Cela me rappelle un commentaire en a-parté d’un membre du cabinet civil du ministre de la défense en 1998 où cet objectif était déjà annoncé au profit d’une armée européenne…
Allez une bonne nouvelle! Les gendarmes reviennent à l’Elysée, rétablissant à mon sens un équilibre nécessaire au sein de la République dans la sécurité intérieure, entre donc une force civile dont la neutralité peut faire l’objet de débats et une force militaire neutre.