mercredi 1 mai 2024

7 décembre 1941 : les pilotes de l’aéronavale japonaise dévastent la base de la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor

Le 26 novembre 1941, les 6 porte-avions de la 1re flotte aérienne de la marine impériale japonaise appareillent de la baie de Tankan, dans les îles Kouriles. Leur objectif : Pearl Harbor, base de la flotte américaine du Pacifique dans les îles Hawaii. Cette force d’attaque a été rassemblée dans le plus grand secret, et les porte-avions et leurs navires d’escorte quittent le Japon par groupes de deux ou trois afin de ne pas éveiller les soupçons des services de renseignements américains. Pour les mêmes raisons, leur approche s’effectue dans un secteur du Pacifique Nord peu fréquenté par les navires marchands.

Ce souci du détail et des impératifs de sécurité dénote bien la conception à la fois méticuleuse et audacieuse de cette opération. C’est le commandant en chef de la flotte combinée, l’amiral Ysoruku Yamamoto, qui est le maître d’œuvre du plan d’attaque.

Quant à l’exécution de l’opération, elle revient au vice-amiral Chuichi Nagumo, dont le porte-avions Akagi arbore le pavillon.

En fait, l’attaque de Pearl Harbor est la première action de grande envergure de la marine impériale japonaise. Elle marque l’ouverture d’une nouvelle guerre navale, qui verra des formations embarquées s’affronter sans que les forces de surface entrent en contact les unes avec les autres. Pourtant, à l’instar des forces aéronavales des principaux belligérants de la Seconde Guerre mondiale, l’aéronavale japonaise a longtemps été le parent pauvre de la marine.

Entrant en compétition avec les autres armes, elle a dû batailler ferme pour accroître ses ressources et ses équipements. S’appuyant sur le traité naval de Washington, qui limitait le nombre des cuirassés de la marine japonaise, l’état-major ne s’est intéressé aux porte-avions que comme substituts des bâtiments de ligne conventionnels. Pourtant, des pilotes de la marine volent depuis 1912, et le premier porte-avions japonais remonte à 1922. Mais, jusqu’ici, l’aéronavale n’a pris part qu’à quelques opérations mineures en Chine. Ce n’est qu’en 1937 ; au cours de la guerre sino-japonaise, que la marine impériale a pu tester opérationnellement ses avions, ses hommes et ses tactiques. Au moment de Pearl Harbor, l’aviation de la marine japonaise dispose de près de 3 000 appareils, dont la moitié servent en première ligne.

Les meilleurs pilotes ont été envoyés sur les porte-avions de la 1re flotte aérienne, et les forces aéronavales sont réparties en divisions de porte-avions chacune d’elles comprenant deux bâtiments et leurs groupements aériens. La division 1 est composée de l’Akagi et du Kaga, la division 2, de l’Hiryu et du Soryu, et la division 5, du Zuikaku et du Shokaku.

Ces deux derniers n’ont été affectés à la 1re flotte que tout récemment, et leurs personnels n’ont pas le niveau d’entraînement très poussé de leurs camarades des deux autres divisions. En conséquence, on leur a confié l’attaque des aérodromes d’Oahu, cibles plus faciles que les navires de guerre.

Akagi en 1942. Crédit : DR.

Le pavillon « Z », que la flotte japonaise arborait à Tsushima, est hissé sur l’Akagi

La composition des groupements aériens est calquée sur celle de l’Akagi, qui comprend 21 chasseurs A6M Zero, 18 bombardiers en piqué D3A Val et 27 avions torpilleurs B5N Kate. Le niveau et l’expérience des équipages est ce qui se fait de mieux à l’époque. La plupart des pilotes sont gradés, et quelques officiers ont subi un complément de formation pour les préparer à leur rôle de chef de groupe au cours de cette opération. Après huit mois d’instruction, les équipages ont été mutés dans des formations basées à terre, et, au terme de cette affectation, ceux qui avaient fait preuve de qualités supérieures à la moyenne ont été versés dans les groupements aériens embarqués.

Au soir du 6 décembre 1941, la 1re flotte aérienne est à 800 km au nord de Pearl Harbor. Le vice-amiral Nagumo rassemble alors tout l’équipage sur le pont d’envol de l’Akagi et fait solennellement hisser le pavillon « Z », que l’amiral Togo arborait lors de sa victoire sur la flotte russe à Tsushima en 1905. Dès la fin de cette cérémonie, les porte-avions prennent le cap plein sud pour se rendre à 370 km de leur objectif, point d’où sera lancée, le matin suivant, la première vague d’attaque. Et, pendant que les personnels de pont s’affairent sur les avions, les pilotes, les navigateurs et les radio-mitrailleurs assistent aux derniers briefings. Chaque équipage reçoit une carte des installations portuaires de Pearl Harbor, qui tient compte des derniers renseignements transmis de Tokyo le jour même et porte les emplacements de tous les navires de guerre américains. Pourtant, tout n’est pas au mieux puisqu’un agent japonais en poste sur l’île d’Oahu vient de transmettre que, si 9 cuirassés et 30 autres navires de ligne sont bien ancrés au port, aucun porte-avions n’est présent. Enfin, des informations de dernière minute concernant d’éventuels changements de position de l’ennemi pourront être transmises par les équipages des quatre hydravions E13A Jake que les croiseurs Tone et Chikuma catapulteront peu avant l’aube du 7 décembre.

Le 7 décembre, à 6 heures, les 6 porte-avions se placent face au vent et entament le catapultage des 213 avions qui composent la première vague d’attaque. À la tête de cette formation, il y a le B5N Kate du capitaine de vaisseau Mitsuo Fuchida, qui dirige l’assaut. Les 89 Kate de la première vague doivent attaquer les navires, 40 d’entre eux n’étant armés que de torpilles, tandis que les autres emportent chacun 800 kg de bombes perforantes. Chacune de ces deux armes a été spécialement adaptée pour l’attaque de Pearl Harbor. La torpille standard japonaise type 91 de 450 mm a reçu des empennages de bois qui se détachent dès que l’engin pénètre dans l’eau. Ce perfectionnement permet le largage en eaux peu profondes et évite à la torpille de s’enfoncer trop et de toucher le fond. Autre modification imposée par la faible profondeur du mouillage, la réduction du rayon d’action des torpilles, obtenue par le repositionnement de l’hélice d’armement. Quant aux bombes perforantes, il s’agit en fait de projectiles improvisés, car l’arsenal de l’aéronavale ne disposait d’aucun engin de ce type. C’est un obus de 798 kg sur lequel on a soudé des stabilisateurs. Les bombes et les torpilles ont un poids rigoureusement identique, ce qui permet aux B5N d’emporter ces armes alternativement selon le type de mission. Des bombes peuvent être larguées en vol horizontal sur des cibles fixes, tandis que le bombardement en piqué visera les cibles en mouvement. Pour tenir ce rôle, les Japonais ont spécialement développé un appareil : le D3A Val. Armés d’une bombe de 250 kg sous le fuselage et de deux autres bombes de 60 kg sous les ailes, les 81 D3A Val de la première vague ont comme objectif les aérodromes plutôt que les cuirassés. Quant à l’escorte, elle est assurée par 43 A6M Zero, appareils maniables et bien armés. Ces derniers sont chargés de la maîtrise aérienne au-dessus des objectifs et, s’ils ne rencontrent aucune opposition, leur seconde mission est de mitrailler les aérodromes.

B5N Kate. Crédit : DR.

 

D3A Val. Crédit : DR.
A6M Zero. Crédit : DR.

Dès que le dernier appareil a décollé pour rejoindre son groupe avant de faire route sur Oahu, tout s’organise sur les ponts d’envol pour préparer le départ de la deuxième vague. Une heure plus tard à peine, celle-ci est lancée. Elle comprend 50 B5N Kate, 80 D3A Val et 40 A6M Zero d’escorte et est placée sous les ordres du capitaine de corvette Shigekazu Shimazaki. Il reste encore 36 A6M Zero, gardés en réserve pour assurer la défense des porte-avions. Pendant ce temps, la première vague s’est rapprochée de son objectif en se servant des émissions des stations radio hawaiiennes pour se guider.

Son plan d’attaque comprend deux options : la première, en cas de réussite de l’effet de surprise, consiste à placer les avions torpilleurs en fer de lance et à les faire suivre par les Kate de bombardement.

Les bombardiers en piqué D3A Val attaqueront alors le terrain de l’aéronavale de l’île Ford, au milieu du port. Si, au contraire, l’approche des appareils japonais est détectée, la priorité sera donnée à la neutralisation de la défense aérienne. De fait, une station radar a bien repéré la formation nippone, mais on n’a tenu aucun compte de son rapport, les Américains attendant une escadrille de B-17 Flying Fortress en provenance de Californie.

À 7 h 40, le premier appareil japonais perce les nuages et repère la côte nord de l’île d’Oahu. Aussitôt, le capitaine de vaisseau Fuchida lance une fusée éclairante, signal d’exécution de la première option du plan d’attaque. Mais les chasseurs de l’escorte omettent de répondre à son signal, et Fuchida, qui pense que sa première fusée n’a pas été vue, en lance une seconde. Seulement, voilà, deux fusées éclairantes signifient l’exécution de la deuxième option du plan. Aussi, bombardiers en piqué et avions torpilleurs attaquent-ils simultanément au lieu de successivement, comme il était prévu initialement. Les D3A Val se scindent donc en deux groupes. Les 26 appareils du Shokaku, menés par le lieutenant Kakuichi Takahashi, foncent vers la base de l’aéronavale de l’île Ford et vers celle de l’USAAF d’Hickham Field. Quant aux 23 Val du Zuikaku, placés sous les ordres du lieutenant Akira Sakamoto, ils se dirigent vers Wheeler Field, au centre de l’île, considéré par le service de renseignements japonais comme le centre nerveux de la défense aérienne d’Hawaii. À ce moment, le capitaine de vaisseau Fuchida lance le fameux message « Tora! Tora ! Tora ! » pour informer I’amiral Nagumo de la réussite de l’effet de surprise et de l’imminence de l’attaque. Par un caprice atmosphérique, le message est également capté par le vaisseau amiral de Yamamoto, qui se trouve pourtant au Japon.

Source : WIKIPEDIA

Sur sept bâtiments ancrés dans « l’allée des cuirassés », deux vont échapper aux torpilles japonaises

Puisqu’aucun des porte-avions de la flotte du Pacifique n’est au mouillage, ce sont les cuirassés qui deviennent la cible prioritaire. Il y en a sept, amarrés le long de l’île Ford, et un huitième en cale sèche (le neuvième mentionné dans le rapport de l’agent japonais est en fait le vieux Utah, transformé en bateau cible). C’est le capitaine de corvette Murata qui mène les avions torpilleurs Kate à l’attaque. Sur les sept cuirassés ancrés dans « l’allée des cuirassés », deux seulement, protégés par leurs malheureux sister-ships, échappent aux torpilles japonaises. Bien qu’atteints par des bombes perforantes, ils vont échapper à la destruction. Sur les cinq autres bâtiments, quatre vont couler. Le cinquième, l’USS Nevada, touché par une bombe et une torpille de la première vague, tentera de sortir du port et de gagner la haute mer.

Quant au vaisseau cible Utah, il bénéficie de l’attention disproportionnée des avions torpilleurs et est rapidement envoyé par le fond. Un des Kate touche même le Pennsylvania, en cale sèche, lui causant de graves dégâts.

11 appareils seulement vont pouvoir décoller au milieu de cet enfer et engager l’ennemi

Pendant que les B5N Kate se concentrent sur les navires, les bombardiers en piqué D3A Val et les chasseurs A6M Zero dévastent les aérodromes d’Oahu. L’île Ford est la première à subir les bombes japonaises. Son aérodrome abrite 29 hydravions Consolidated PBY Catalina. En quelques minutes, tous, sauf un, sont détruits. 27 autres de ces appareils vont subir le même sort sur la base de Kaneohe Bay, au nord-est de l’île.

Alors qu’il mène une formation de 9 A6M Zero dans une passe de mitraillage, le chasseur du lieutenant Fusata Iida est touché par une batterie antiaérienne. S’apercevant que son appareil perd du carburant et qu’il ne pourra jamais regagner son porte-avions, lida préfère s’écraser sur les hangars de la base. Pendant ce temps, la base des marines d’Ewa subit le même sort, et 33 de ses 49 appareils sont détruits. Pire, sur les deux aérodromes de l’USAAF (Hickham Field et Wheeler Field), les appareils ont été soigneusement alignés aile dans aile pour faciliter leur garde contre d’éventuels saboteurs. Le résultat est inévitable. Sur 143 appareils en état de vol à Oahu, l’USAAF va en perdre plus des deux tiers. 11 avions américains seulement vont pouvoir décoller au milieu de cet enfer et engager l’ennemi. 5 d’entre eux proviennent d’un petit terrain d’entraînement que les services de renseignements japonais n’ont pas repéré. Le lieutenant Ken Taylor obtiendra même sur un Curtiss P-40 une des rares victoires aériennes des défenseurs. Après quelques évolutions, il se retrouve derrière un Val : « Je l’ai atteint rapidement, et je ne pense pas avoir tiré plus de 15 coups. Tandis qu’il prenait feu, il a lentement entamé le plus beau tonneau que j’aie jamais vu. Tout ce que je pouvais distinguer, c’était ses roues qui émergeaient de la fumée et des flammes qui s’échappaient du fuselage. Puis il s’est écrasé dans la mer près de la plage. »

À 8 h 50, la seconde vague arrive sur l’objectif. Mais les défenseurs n’auront pas de répit entre les deux attaques, car les Zero de la première vague continuent de rôder au-dessus de l’île. Cependant, les appareils de la deuxième vague sont trop faiblement armés pour pouvoir s’attaquer aux cuirassés.

Les seuls B5N qui restent sont les 50 avions des groupes aériens inexpérimentés du Shokaku et du Zuikaku. D’ailleurs, leur rôle ne se borne qu’à la destruction des aérodromes, et ils laissent aux 80 D3A Val des quatre groupes embarqués le soin de s’occuper des navires Les plans originaux prévoyaient que les Val, avec leur faible charge offensive, conjugueraient leurs efforts pour achever les porte-avions américains. Comme ces derniers ne disposent pas de pont d’envol blindé, cette phase du plan était parfaitement réalisable. Cependant, ils n’ont pratiquement aucune chance contre les cuirassés. Malgré tout, les Val s’acharnent sur l’USS Nevada, qui tente toujours d’atteindre la haute mer. Les bombes pleuvent autour de lui. Ces dommages, additionnés aux effets de l’attaque précédente, vont l’obliger à s’échouer sur la plage plutôt que de risquer de couler au milieu du chenal et d’interdire ainsi l’accès au large. Pendant ce temps, la défense anti-aérienne, qui s’est ressaisie, abat 15 Val.

À 10 heures, les avions japonais, leur mission accomplie, repartent vers le nord. Les derniers à quitter l’objectif sont une section de Zero chargée d’évaluer les dégâts infligés à la flotte du Pacifique. Les pilotes indiqueront dans leurs rapports 4 cuirassés coulés et 4 autre très endommagés.

Incontestablement, l’opération se solde par une victoire tactique de l’aéronavale japonaise

Divers autres vaisseaux ont été coulés ou endommagés, et, au total. 188 avions détruits. À 13 h 30, tous les appareils de la 1re flotte aérienne étant rentrés, le vice-amiral Nagumo met le cap sur le Japon. Ses pertes, quoique loin d’être négligeables, sont acceptables. Sur une force d’attaque de 350 avions, les Japonais n’en ont perdu que 29. L’opération se solde par un succès tactique incontestable pour l’aéronavale japonaise, dû en grande partie à l’extraordinaire performance de ses équipages.

L’attaque japonaise contre Pearl Harbor reste la plus grande opération jamais effectuée à partir de porte-avions et elle démontre que l’aéronavale japonaise a atteint un niveau opérationnel optimal.

USS Arizona. Crédit : DR.
Sauvetage de l’USS West Virginia. Crédit : Naval History and Heritage Command.

 

Belligérants
États-Unis Empire du Japon
Commandants
Husband Kimmel
Walter Short
Isoroku Yamamoto
Chuichi Nagumo
Forces en présence
8 cuirassés
6 croiseurs
29 destroyers
9 sous-marins
~390 avions
6 porte-avions
2 cuirassés
3 croiseurs
9 destroyers
441 avions
5 sous-marins de poche
Pertes
2 cuirassés et un bateau cible coulés
6 cuirassés endommagés
5 autres navires diversement endommagés
188 avions détruits
128 avions endommagés
2 403 tués ou disparus
29 avions détruits
55 aviateurs tués
4 sous-marins de poche coulés, un capturé
9 sous-mariniers tués
1 sous-marinier capturé
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