En ce lendemain des commémorations des soldats français morts dans toutes les guerres pour nos libertés et qui rassemblent bien peu de Français, la France est en deuil ce 15 novembre 2015. Cruelle coïncidence.
Franchissant un nouveau cap dans l’action terroriste avec la mise en œuvre de méthodes plutôt en usage au Moyen-Orient, l’Etat islamique a frappé le peuple de France. 129 de nos compatriotes ont été assassinés. Sur les 352 blessés, 99 sont dans un état grave. Quelle stratégie l’état islamique poursuit-il ? Comment sommes-nous arrivés à une telle vulnérabilité ? Comment la France et la Nation peuvent-elles faire face ?
Quelle stratégie l’état islamique poursuit-il ?
C’est effectivement la première question que nous pourrions poser. Le contexte peut permettre de comprendre ces attentats sanglants justement pendant les 24 heures qui ont précédé l’attaque de daech :
- Défaites sur le terrain de daech face aux Kurdes
- Elimination physique d’un de ses chefs de la propagande et criminel de guerre notoire
- Une étude sur la perception des Français sur la menace terroriste (Cf. « Extrait de l’étude de l’ONDRP, novembre 2015) largement commentée dans les médias. Le terrorisme est devenu la seconde crainte des Français (17,7%) après le chômage avec une remarque qui a son importance : cette étude s’appuie sur des chiffres d’avant l’été 2015 et cette perception devrait fortement augmenter.
Les entraves en France à sa liberté d’action peuvent aussi être évoquées :
- action législative – tardive – contre le trafic d’armes et sans beaucoup d’effets
- Proposition de permettre aux policiers d’ouvrir le feu, pas uniquement en état de légitime défense
Je pourrai ajouter l’annonce du contrôle aux frontières pour permettre la COP 21, en elle-même une cible, de fait établi suite aux attentats de ce vendredi 13 novembre. Cela fait des mois que les politiques déclarent l’inanité des contrôles de nos frontières et d’un seul coup, cela deviendrait possible et efficace.
La question sur la stratégie choisie par daech demeure cependant et je ne la vois pas décryptée dans les déclarations publiques où l’on se contente de commentaires et d’analyses d’opportunité pour répondre à l’émotion. Combattre un ennemi surtout dans le long terme implique que nous comprenions sa stratégie et que l’Etat en informe la Nation.
De la stratégie de l’ennemi envers la France
Je donnerai quelques impressions sur la stratégie poursuivie par l’ennemi.
Un attentat en moyenne par mois en France depuis janvier, réussi ou pas, est un bon rythme pour entretenir l’insécurité d’une société molle. Quels sont les effets attendus d’une telle stratégie de la terreur ? J’identifierai trois effets intéressants au niveau stratégique :
- Montrer par ces assassinats aveugles et valorisés par une propagande mondiale que daech est toujours présent et actif malgré les défaites subies. En outre, une défaite de daech semble avoir bien souvent pour conséquence un attentat, soit pour atténuer l’effet de la défaite, soit pour punir, en vue d’une remobilisation de ses affiliés ;
- Nous contraindre dans le cadre d’une crise économique et d’un budget contraint à des dépenses de plus en plus importantes pour la sécurité intérieure, d’une part pour entraver les opérations extérieures, d’autre part pour affaiblir l’effort social de l’Etat. Une partie de notre population est susceptible de soutenir daech si ses conditions sociales et matérielles ne s’améliorent pas. Une autre partie de la population peut faire pression sur le gouvernement pour un changement de politique.
- Affaiblir un ennemi de daech en attaquant la cohésion nationale. Un renforcement de la sécurité intérieure peut avoir pour effet de « stigmatiser » la communauté musulmane. Cette vulnérabilité, surtout dans notre contexte politique actuel, peut aussi amener le Front national au pouvoir et donc un certain nombre de tensions internes dont nul ne peut prévoir l’issue en terme de stabilité intérieure.
Cependant, daech n’a-t-il pas fait une erreur stratégique ? Après la stupeur devant ces assassinats aveugles, la population réagit et se mobilise. L’armée de terre reprend sa mission traditionnelle de protéger le peuple français. Un commandement spécifique aux opérations intérieures a été annoncé par le chef d’état-major de l’armée de terre ce 9 novembre lors d’une conférence montrant que la menace était identifiée.
Une doctrine sur l’emploi des forces terrestres en France est en cours de validation par le président de la République. Elle est certes contestée par des politiques qui semblent avoir des réticences, de vieux relents de la guerre d’Algérie sans doute. Mais « ça, c’était avant » le 13 novembre. Pourront-ils encore s’opposer à cet enjeu de la protection du peuple, d’autant que, cruelle ironie, le gouvernement a décrété l’état d’urgence, loi votée en 1955, justement pour faire face au terrorisme algérien ?
Comment sommes-nous arrivés à une telle vulnérabilité ?
Le refus de dénommer l’ennemi est un sujet que j’ai bien souvent évoqué avec cependant une évolution dans ma réflexion sur le terme à employer.
Cf. Mes billets du :
- 14 septembre 2014. « Le djihadiste, un ennemi bien identifié pour la France ? »,
- 21 septembre 2014 « Sécurité nationale et djihadisme, une longue guerre en perspective »,
- 28 septembre 2014 « De la guerre et de l’Islam en France »,
- 1er novembre 2015. « La défense ! C’est là en effet la première raison d’être de l’Etat » Charles De Gaulle »).
Ne pas nommer clairement l’ennemi est une faute politique que nous pouvons reprocher à nos gouvernants successifs. Quand je lis que, face à nous, nous avons une « armée terroriste » (Cf. Discours du président de la République du 14 novembre 2015), comment ne pas voir la confusion des esprits ? S’il y a une armée, c’est qu’il y a un Etat ou alors ce n’est pas une armée : pourquoi pas le nommer « mouvement pré-insurrectionnel » puisqu’il veut renverser nos institutions, modifier notre société ou celle des autres Etats ? Cela permet une stratégie, donc un but et des moyens pas uniquement policiers pour l’atteindre.
Or, l’ennemi est connu. Il est sunnite et dans son immense majorité salafiste, c’est-à-dire qu’il prône au retour à l’islam des premiers temps. L’ennemi n’est pas « le terroriste ». Il n’est pas djihadiste, terme qui lui donne une aura de héros au sein de la communauté musulmane. Il est un salafiste qu’il soit dans la mouvance non violente ou violente par le mode d’action du terrorisme. Il est le premier ennemi à combattre dans la mouvance de l’islamisme radical. Sur l’ensemble de la communauté musulmane, il ne représente qu’environ 10 000 pratiquants en France et son extrémisme est dénoncé bien souvent par les musulmans eux-mêmes.
Par ailleurs, notre société a développé la culture de la soumission en permettant par de multiples artifices à tout individu déterminé d’être impuni. Combien de salafistes ont été libérés de prison avant la fin de leurs peines ? Combien de temps pourrons-nous les neutraliser en prison où ils viennent d’exprimer leur soutien aux attentats, sachant qu’il y a peu d’exemples dans l’histoire, de fanatiques devenant raisonnables ?
Si vous lisez les grands auteurs de « La guerre révolutionnaire » des années cinquante, les méthodes ne sont pas vraiment différentes du communisme version pré-insurrectionnelle sinon de l’extrême-gauche de la guerre froide. En outre, il s’agit bien d’une « révolution » que les fanatiques de daech veulent imposer.
Pourtant, Français, je pense que l’attitude d’une partie d’entre vous a conduit à ces attentats meurtriers. Le simple débat sur la loi du renseignement l’a montré (Cf. Mon billet du 28 juin 2015. « Renseignement, terrorisme et sécurité intérieure »). Pourquoi ? Je me réfèrerai à ces contacts que j’ai avec de nombreux d’étudiants à qui j’enseigne l’influence, la contre-propagande et la stratégie.
- La jeunesse d’aujourd’hui voit le danger et s’y intéresse car elle est consciente des enjeux pour son avenir. Elle éprouve fortement le besoin de se préparer.
- Les plus anciens ont pris conscience du danger mais ne peuvent que soutenir cette démarche.
- En revanche les « 35-50 ans », majoritaires, représentent bien pour une partie d‘entre eux souvent une génération hédoniste, se rattachant à des valeurs qui leur ont été présentées comme universelles et qu’ils pensent immuables, avec aussi des repères bien flous. Ils sont peu perméables en fait à la menace lointaine, émotionnellement fragiles et peu résilients face au terrorisme. Produits d’une période sans guerre, ils n’ont pas basculé intellectuellement et psychologiquement dans la réalité du XXIe siècle violent qui s’annonce. Notre faiblesse psychologique est cette France molle qui s’appuie sur le rejet par principe de la violence même légitime et légale en oubliant que le reste du monde est violent.
A titre d’exemple, donnant un cours de stratégie dans une grande école de commerce ce jeudi, la veille donc des attentats de Paris du 13 novembre, l’une des étudiantes, déjà engagée dans la vie professionnelle, me demandait pourquoi les citoyens n’apprenaient pas à se défendre. Le débat s’est bien sûr porté sur l’utilité d’un service militaire. Cela m’a permis d’évoquer le doute sur le soutien des parents ayant des enfants en âge de servir la Nation sous les armes. Justement, ces 35-50 ans ne semblent pas vraiment avoir envie de voir leurs enfants être impliqués dans une opération du type « Sentinelle ».
D’autres étudiants, eux aussi déjà dans la vie professionnelle, mais franco-étrangers, regrettaient que les Français soient si gentils incitant ainsi à la violence contre eux. Les événements survenus le lendemain prennent dans ce contexte un tout autre éclairage.
Comment la France et la Nation peuvent-elles faire face ? 10 actions possibles
Il est temps d’entrer en guerre. L’état final recherché est de rendre le salafisme – et ceux qui rejoindraient ses objectifs – incapable de disséminer sa doctrine religieuse obscurantiste et de s’insinuer dans notre société.
Combattre le salafisme en tant que tel, signifie lui interdire tout droit, toute représentation publique. Cela signifie aussi engager la rhétorique nécessaire pour circonscrire sa capacité de nuisance et d’influence. Cela signifie une limitation dans notre société d’un certain nombre de libertés pour notre survie. Cela signifie enfin une longue guerre aussi bien à l’extérieur de notre territoire qu’à l’intérieur, certes avec des moyens différenciés.
10 actions concrètes déjà peuvent donc être proposées :
- Se donner les moyens pour faire face. Il est impératif que les dépenses consacrées à la défense nationale ne soient pas incluses par Bruxelles dans le calcul du déficit public. L’Europe est déjà mal en point économiquement, politiquement par les migrants. Si l’insécurité s’installe en France au niveau actuel, l’Union européenne sera définitivement morte car il faudra choisir entre la sécurité des Français et une Europe peu crédible à moins de faire intervenir les battle group européens, symbole jusqu’à présent de l’impuissance militaire de l’Union européenne.
- S’appuyer au niveau stratégique sur les musulmans qui refusent le salafisme. Ainsi l’alliance avec les chiites en lutte contre le radicalisme sunnite devient une nécessité.
- Coopérer avec les composantes de l’islam qui ne soutiennent pas l’islam radical, qu’il soit salafiste ou de la mouvance d’Al Qaida. Le Maroc à ce titre peut être un allié privilégié comme certains Etats du Golfe.
- Agir au moins par raison avec toutes les forces luttant contre l’islamisme radical. Le l’occurrence, la coopération franco-russe ne peut plus être écartée.
- Restreindre les libertés des fanatiques qui les instrumentalisent pour menacer la cohésion nationale. Par exemple, la liberté de culte doit désormais leur être restreinte sans état d’âme. Le salafisme sous toutes ses formes doit être interdit. La décision ou l’avis du Conseil de l’Europe qui sera forcément sollicité par quelques recours dans l’état du droit européen d’aujourd’hui, devront être rejetés avec fermeté comme toute autre intervention juridique extérieure.
- Effacer l’image du salafiste, symbole d’endoctrinement et d‘engagement politico-religieux dans toute notre société. Dès lors que des femmes portent encore le voile intégral, que des hommes s’habillent comme au moyen-âge musulman, ce symbole et cet affront aux lois votées par la République doivent encore plus sévèrement être condamnés. L’autorité de l’Etat est aussi à ce prix. Ce qui est vu ou perçu par le citoyen lui permet de juger de la réalité de la puissance de l’Etat.
- Redonner sa place à la raison d’Etat que ce soit sur un théâtre d’opération intérieur ou extérieur. Tous les moyens, ou presque, doivent être utilisés pour imposer la volonté de l’Etat. Les commanditaires doivent être éliminés par une action inflexible dans la durée. L’ennemi doit retrouver la crainte et non la presque assurance de l’impunité. Le fanatisme doit être éradiqué par les moyens adéquats…
- Affirmer notre détermination et notre volonté. Ces critères de l’homme courageux et connu comme tel devront s’imposer pour montrer au fanatique salafiste l’inanité de sa stratégie. Il est vrai que son désir de mort est fort et pourrait faire trembler. N’ayons pas peur. Les « pressions » post–mortem sur l’environnement du salafiste transformé en bombe humaine, doivent aussi être envisagées comme dissuasion en amont, avant la décision de passer à l’acte, ou comme expression de notre implacabilité. Les vivants peuvent aussi devoir rendre des comptes pour les actions des morts.
- Etre animé par l’esprit de résistance. Les forces de sécurité ne sont plus en mesure de faire face compte tenu de la faiblesse de leurs moyens (Cf. Mon billet du dimanche 30 novembre 2014 « Faut-il rétablir le service militaire ? » Ce billet fait le point des effectifs disponibles) et seul cet esprit de résistance qui devra s’exprimer concrètement, pourra nous permettre de faire face collectivement
- Réapprendre au citoyen qu’il doit être vigilant et capable de défendre son pays avec une arme. L’Etat ne peut pas tout. Chacun est concerné – ou devrait l’être -. Il est peut-être temps de permettre à un certain nombre de citoyens choisis d’être en mesure d’exercer un droit de légitime défense en étant armé. Choquant ? Pas vraiment quand je constate le nombre d’armes détenues illégalement que ce soit par des terroristes ou des voyous et utilisés contre les citoyens innocents. Aucune loi n’y changera rien et cela est prouvé tous les jours. Le changement – de société – doit donc être maintenant !
Pour conclure
Français, levez-vous !
Français mobilisez-vous !
Français, relisez les paroles de la Marseillaise !
Français, il est plus temps que vos actes soient en accord avec nos paroles ! Notre ennemi doit vous craindre, doit nous craindre et nous devons lui apporter les messages adéquats, sans aucune ambigüité, y compris par une violence légitime et implacable.