mercredi 1 mai 2024

Homme, Blanc, plus de soixante ans et décoré de la Légion d’honneur

Disons-le franchement. Suite à la réforme annoncée de l’attribution de la Légion d’honneur, les commentaires lors du point de presse du porte-parole du gouvernement, l’inénarrable Christophe Castaner, ne sont pas acceptables et sont comme bien souvent, insultants. La Légion d’honneur ne serait attribuée le plus souvent qu’à des hommes, blancs, de plus de soixante ans. Intéressante approche stigmatisante qui montre bien sa dérive intellectuelle.

N’en déplaise à qui que ce soit, je confirme bien que j’assume mon état d’homme (cela correspond à mon état-civil), blanc, de plus de soixante ans et chevalier de la Légion d’honneur… avec quelques autres décorations et, ce qui n’arrange pas les choses, avec le statut d’ancien combattant (donc sans doute vieux « réac » nationaliste à forte tendance patriarcale).

Oublie-t-il que pour beaucoup la Légion d‘honneur est attribuée bien plus jeune et en fonction du mérite le plus souvent ? Il y a effectivement des exceptions. Il a sans doute aussi oublié que le président de la République est le grand maître de l’Ordre de la Légion d’honneur, qu’il est passé grand maître dans la journée, avec tous les grades, sans avoir prouvé quoi que ce soit, hormis celui de l’élection ? Parfois, il vaut mieux se taire.

Certes ne soyons pas naïf. Lors de la création de la Légion d‘honneur, Napoléon 1er alors seulement Bonaparte, défendait sa création en conseil d’État : « Je vous défie de me montrer une république, ancienne ou moderne, qui savait se faire sans distinctions. Vous les appelez les hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. » (Cf. Site de la Légion d’honneur). Nous savons que les décorations sont en effet ces hochets menant les hommes et pas uniquement les militaires. Il suffit de regarder les listes annuelles des futurs décorés. Donc une réforme est souhaitable mais pourtant le grand Chancelier comme ses prédécesseurs normalement veille mais si le président veut, je doute fort que la Légion d’honneur ne soit pas attribuée à qui il le souhaite.

Pour revenir à la déclaration de Castaner, être un homme, blanc de surcroît, et de plus de soixante ans devient une cible de choix pour les démagogues et sans doute pour ceux qui ont plus ou moins raté leur parcours personnel ou professionnel. Cela n’est pas nouveau mais suscite peu de réactions de l’Homme blanc de plus de soixante ans (ou plus jeune). Il est vrai que cela pourrait signifier que l’on est raciste. Il serait pourtant temps que les hommes montrent qu’ils « en » ont, même si montrer la partie « féminine » de sa virilité est tendance dans la société actuelle.

Pour montrer cette stigmatisation actuelle, je reprendrai cependant les propos suivants, relevés depuis plusieurs années,  comme « l’aristocratie blanche, sortie du moule, amollie par le bien-être » (Esther Benbassa, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), le Monde du 29 avril 2009, devenue sénatrice EELV et réélue en 2017) ou à l’occasion des élections de 2010 au Royaume-Uni, avec l’installation du nouveau parlement britannique, le commentaire de la journaliste française « Ce devrait être la fin de l’hégémonie du mâle blanc, en costume sombre et sur mesure » (Virginie Malingre, Le Monde du 25 mai 2010), ou encore Delphine Ernotte, présidente de France télévisions sur Europe 1 en 2015,  On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change» pour qu’il y ait «des femmes, des jeunes, toutes les origines» ». La testostérone n’est plus dans le même camp.

Alors discrimination positive, chasse au mâle blanc d’un certain âge ou reconnaissance du mérite, ce que devrait être capable de faire la République notamment lorsqu’elle veut mettre à l’honneur les meilleur(e)s de ses membres ?

Il est vrai qu’il serait plus simple d’« éliminer » une cible qui se tait, de limiter ses droits, de l’humilier. Outre cette expression bien souvent féministe de chasse au « mâle », je pourrai citer ce racisme exprimé contre l’homme blanc par le CRAN (Comité représentatif des associations noires) présidé par Louis-Georges Tin qui a droit de parole notamment en faisant campagne contre Colbert (qui a inventé la première pension de retraite de France au profit des marins de la Marine royale). Je m’étonne d’ailleurs que nos institutions acceptent ce type d’association. Que diraient-elles si un comité représentatif des associations blanches pour défendre le « blanc » (dans ce cas homme et femme bien sûr) se créait ? Et pourquoi pas mais j’entrevois déjà la campagne médiatique « des bien-pensants ».

Revenons à la réforme de la Légion d’honneur. Faisant suite d’ailleurs aux premières dérives de son gouvernement (Cécile Duflot pour la promotion du 14 juillet 2012, Le Monde du 3 août 2012), attribuer sous le gouvernement Hollande la Légion d’honneur à des victimes d’attentats était une dérive (Cf. Mes billets du 02 octobre 2016, 13 décembre 2015 sur la remise de la Légion d‘honneur aux victimes du 13 novembre, 6 septembre 2015). J’écrivais dans le premier billet : « Remettre une légion d’honneur à quelqu’un mort « par hasard » lors d’un attentat est une erreur politique et un affaiblissement de la mise en valeur de ceux qui ont agi en conscience, notamment au péril de leur vie. La Légion d’honneur doit mettre à l’honneur celui qui s’est conduit comme un héros au profit de la communauté nationale ou qui a apporté un bien-être supplémentaire à la collectivité ». Je suis bien dans l’esprit de l’ordre de la Légion d’honneur.

Renforçant ce sentiment, je conclurai par cette remise d’une Légion d’honneur ce samedi 4 novembre 2017, hasard du calendrier, au grade de chevalier à une femme « blanche », (sans doute une erreur), de plus de soixante ans (donc bien trop tardif) après un long engagement au profit de la Cité. Cette cérémonie qui rassemblait beaucoup d’élus tombait fort à propos pour ce débat sur la Légion d’honneur.

Cette femme hautement estimable a dans son discours rappelé ce que Napoléon Bonaparte avait spécifié dans les débats précédant le texte : « Il faut créer un ordre qui soit le signe de la vertu, de l’honneur, de l’héroïsme, une distinction qui serve à la fois la bravoure militaire et le mérite civil. ». Elle a rappelé l’élite de la Nation que la Légion d’honneur devait créer par le mérite (Cf. Le texte du décret du 19 mai 1802).  Outre la bravoure qui concerne le plus souvent les militaires pour qui la bravoure est ordinaire, la Légion d’Honneur doit mettre à l’honneur les personnes remarquables dont le mérite doit être porté en exemple dans la société. J’en étais témoin ce samedi. Il n’était pas question de parité mais simplement de reconnaissance de la Patrie.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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