jeudi 28 novembre 2024

Les carnets secrets d’Huntziger, entretien avec Max Schiavon

À l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage chez Pierre de Taillac, Max Schiavon a accepté de répondre à nos questions. Historien, ancien officier, spécialiste des élites militaires françaises du XXe siècle, l’auteur porte son attention sur le personnage du général Huntziger après ses biographies des généraux CORAP, GEORGES, VAUTHIER et plus récemment WEYGAND.

Propos recueillis par Camille HARLÉ-VARGAS

 

Qui était le Général HUNTZIGER, le bouc-émissaire de l’armistice ? 

Saint-cyrien de la promotion MARCHAND (1898-1900), il choisit l’infanterie coloniale à l’issue de sa scolarité. Élève puis officier brillant, il est très apprécié de ses supérieurs. Pendant la Première Guerre mondiale, après la Champagne il est affecté à l’armée d’Orient en 1917, où il se distingue particulièrement auprès de FRANCHEY D’ESPEREY en proposant un plan novateur qui aboutira au succès de l’offensive générale contre les Empires Centraux de septembre 1918.

Après la guerre, il poursuit sa carrière dans l’infanterie coloniale. Il commande le 16e RIC en Chine, alors que le pays en proie à des troubles révolutionnaires et montre à cette occasion tous ses talents de diplomate et de chef. En 1933, il est nommé commandant supérieur des troupes du Levant. Plus jeune général de l’armée française, il intègre le Conseil supérieur de la guerre en 1938.

À la déclaration de guerre, il commande la 2e armée. En mai 1940, face à trois Panzerdivisionen, l’aile gauche de son armée est enfoncée et les Allemands font brèche dans le dispositif français. Puis HUNTZIGER commande le groupe d’armées n°4 (GA 4), nouvellement créé, chargé de couvrir le secteur entre l’Aisne et la ligne Maginot. A nouveau, malgré la résistance sur la « ligne Weygand », le GA 4 est disloqué. En juin, il est choisi par le gouvernement pour négocier les conditions d’armistice à Compiègne. Il n’y aura finalement pas de négociations, le général HUNTZIGER devant se résoudre à accepter les conditions allemandes. Il est désigné ensuite comme président de la délégation française auprès de la commission d’armistice à Wiesbaden. Puis, le 6 septembre 1940, HUNTZIGER est nommé secrétaire d’État à la Guerre en remplacement de WEYGAND qui lui, part à Alger. Ministre durant un an, il décède dans un accident d’avion dans les Cévennes, au retour d’une inspection en Algérie.

Pourquoi avez-vous souhaité travailler sur les carnets d’HUNTZIGER ?

J’ai été contacté il y a quatre ans par son arrière-petit fils, qui souhaitait faire connaitre les carnets de son arrière-grand-père, jusqu’à aujourd’hui gardés dans la famille notamment à cause des avis portés par le général sur certaines personnalités. L’autre partie de la famille ne souhaitait pas jusqu’ici publier ces carnets, mais finalement a accepté pour leur valeur historique. La retranscription des carnets a été longue du fait de leur densité. Ces écrits sont intéressants car ils ne traitent pas seulement de la période de la Seconde Guerre mondiale mais aussi de la Grande Guerre et de la période entre les deux conflits. Les carnets sont enrichis grâce à l’apport des archives privées de la famille, de recherches dans la bibliographie existante et des témoignages. En outre, j’ai pu « croiser » les informations avec les fonds d’archives privées des généraux, CORAP, WEYGAND, GEORGES, pour enrichir le texte. J’en profite pour signaler que si des personnes ont en leur possession des archives privées de généraux ou concernant cette période, elles peuvent me contacter par votre intermédiaire !           

Après GEORGES, CORAP, WEYGAND et maintenant HUNTZIGER, on peut dire que vous avez une certaine ligne, pourquoi s’intéresser particulièrement aux généraux de 1940 ? 

Après les recherches sur le fort du Chaberton pour mon premier ouvrage, j’ai pu avoir accès aux archives du Général GEORGES qui ont été le « déclic » et m’ont donné envie de m’intéresser aux généraux de 1940. Ces chefs qui ont connu la défaite ont sombré dans l’oubli alors que leurs parcours, parfois atypiques, présente un grand intérêt historique. Ces hommes ont aussi été les témoins d’événements historiques et politico-militaires cruciaux, qu’il fallait selon moi remettre en pleine lumière. Plus généralement, c’est un sujet peu traité en France que j’ai à cœur de développer. 

Pourquoi « Carnets secrets », personne n’y avait eu accès auparavant ? 

Quelques personnes ont déjà pu lire ces carnets, notamment un journaliste dans le cadre de la rédaction d’un ouvrage sur les années 1930 et 1940. Cependant, ils n’ont jamais été publiés entièrement ni présentés de façon scientifique. C’est justement l’objet de cette édition dans laquelle mes ajouts permettent, je l’espère, de mieux comprendre la carrière, les choix, les tenants et aboutissants des décisions prises. Une importante première partie présente la vie du général Huntziger jusqu’au début des carnets qui débutent en 1938.

Est-ce difficile d’écrire sur des personnages qui peuvent être clivant, comme HUNTZIGER ? 

Le recul de l’historien permet de traiter le sujet avec neutralité et sans a priori. J’essaye d’expliquer son parcours, ses décisions parfois malheureuses, ses fautes aussi, avec des éléments factuels. Parce que les jeunes générations sont moins intéressées par l’histoire, les personnages du passé sont classés sommairement parmi les bons ou les mauvais. C’est un peu plus compliqué que cela. Les parcours ne sont jamais entièrement blancs ou noirs. HUNTZIGER a réussi dans certaines périodes de sa vie et s’est lourdement trompé dans d’autres.           

Peut-on savoir quels sont vos prochains projets ?  Une nouvelle biographie ? Un nouveau général de 1940 ?           

Mes prochains travaux portent sur les conflits périphériques de l’entre-deux-guerres.

Les carnets secrets du général HUNTZIGER, éditions Pierre de Taillac, 350 pages, 26,90 €.

Cliquer ICI pour commander l’ouvrage.

 

Camille HARLÉ VARGAS
Camille HARLÉ VARGAS
Auteur et spécialiste de l'histoire des conflits et de la mémoire du XXe siècle. Chargée de mission à l'ONaCVG de la Marne dans le cadre du Centenaire de la Grande Guerre (programme pédagogique, médiation et mise en place de projets). Engagée dans la vie associative visant à faire connaître au public l'histoire et les sites de la Première Guerre mondiale (Main de Massiges). En collaboration avec des historiens pour la rédaction d'articles et d'ouvrages sur les deux guerres mondiales.
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1 COMMENTAIRE

  1. Merci à Max Schiavon pour ses biographies et à vous pour cet entretien.
    Hélas, ce livre est vraiment cher.
    Surtout que seules les quelques pages concernant la défaite de mai 1940 m’intéressent.
    Par ailleurs, j’aimerais qu’un érudit publia le rapport du député Pierre Taittinger sur sa visite aux armées le 8 mars 1940, avec des annotations.

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