Avant d’aborder quelques sujets apparus cette semaine, j’évoquerai volontiers cette avant-première présentée cette semaine à l’Ecole militaire par l’ECPAD (Cf. http://www.ecpad.fr/). Le CGA Jacquot, directeur de l’établissement, a rappelé en ouverture que 12 coproductions sur 17 étaient consacrées en 2014 à la Première guerre mondiale.
Le documentaire « Elles étaient en guerre (1914-1918) » est donc une coproduction de l’ECPAD, de FR3 et de Programme 33. La voix de Nathalie Baye accompagne les images d’archives et présente sous des angles inattendus le rôle des femmes pendant la Première guerre mondiale. Il sera diffusé ce lundi 13 octobre à 20h45 sur France 3.
Toujours sur 1914-1918, l’école militaire accueillera un colloque les 17 et 18 octobre prochain sur les « gueules cassées » (Cf. www.gueules-cassees-2014.org). Il mettra en avant ces grands blessés qui ont dû vivre avec ces visages profondément défigurés. Cela peut être encore le cas aujourd’hui avec nos blessés même si les progrès de la médecine notamment militaire peuvent sans doute compenser, peut-être réparer. Quatre thèmes seront abordés durant ce colloque :
- Histoire d’Hommes, Histoire d’Institutions
- Essor de la chirurgie maxillo-faciale
- Souffrance et psychologie du soldat et de l’ancien combattant
- Expertise et réparation
Par ces événements et cette politique dynamique, les armées restent dépositaires de la mémoire combattante de la Nation bien que celle-ci paraisse … de moins en moins combattante.
Du Val de Grâce
Tout ceci nous conduit à une première réflexion sur l’évolution du service de santé des armées pour 2017. L’annonce de la fermeture de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce se confirme. Est-ce une bonne décision ?
Oui, sans aucun doute pour les économies à réaliser et pour le retour à la finalité première du soutien médical à nos soldats et à leurs familles, un élément essentiel de la condition militaire. Nos neuf hôpitaux militaires s’adressant à une population jeune, finalement peu susceptible de soins hormis dans les conflits, d’où la raison de l’existence de ces hôpitaux, étaient en effet « rentabilisés » par l’ouverture aux patients civils (74% des patients).
Allant de temps en temps dans cet hôpital, je me suis bien souvent demandé d’ailleurs si j’étais à ma place dans cette enceinte dite militaire. Enfin, la diminution des effectifs militaires se poursuivant, le service de santé des armées doit participer à cet effort commun.
Cependant, disposer, comme c’était le cas au Val-de-Grâce, d’un service de santé au profit des hautes personnalités françaises ou étrangères reste un facteur d’influence même si certaines d’entre elles auraient mérité un peu plus de discernement (vous vous rappelez Joey Starr ?) mais la raison d’Etat existe encore au moins dans ce domaine. Ce service au profit des hautes personnalités sera-t-il déplacé ailleurs ou va-t-il être mis sous tutelle civile, écartant aussi les armées de ce domaine d’influence ? Nous verrons donc.
De l’armée européenne, illusion politicienne
La seule raison de vouloir une armée européenne est aujourd’hui de réaliser des économies budgétaires et l’utopie dans ce domaine doit être combattue. Je citerai deux déclarations politiques récentes. Elisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, déclarait le 30 septembre sur TV5 Monde : « On a un grave problème d’insuffisance des budgets militaires (…). Il faudrait mutualiser les capacités militaires parce qu’on ne va pas pouvoir continuer à augmenter les budgets ». Depuis quand augmente-t-on les budgets de la défense ? Je pense que nous nous en serions aperçus. Peut-être que Mme Guigou devrait s’informer…
Ce dimanche 12 octobre, Daniel Cohn-Bendit faisant l’objet d’un entretien télévisé sur France 2, défendait aussi cette idée. « J’apprécie » toujours autant ces personnes qui refusent le service militaire, en l’espèce en choisissant la nationalité allemande, déclaration d‘aujourd’hui, et de les voir favorables à des opérations militaires, bien sûr faites par les autres.
Certes, en cette semaine où le projet de budget de la France est en voie d’être rejeté par la commission européenne, il est possible de comprendre cette quadrature du cercle : faire des économies, lever des impôts et augmenter les taxes tout en dépensant toujours autant, malgré les annonces. Faire des économies sur la défense qu’elle soit européenne ou française reste un dangereux pari pour l’avenir.
Comme cela avait été évoqué par certains de nos parlementaires, la France aurait dû obtenir le retrait des dépenses militaires du calcul du déficit budgétaire d’autant que le pacifisme des autres nations européennes, bénéficiant de la sécurité offerte par ceux qui ont accepté le prix, domine aujourd’hui le débat sur l’implication européenne en terme de défense. Que fait aujourd’hui l’Union européenne contre l’EI, en Afrique, en Ukraine… et on évoque encore une armée fédérale. Ce n’est pas sérieux.
Il suffit de se référer à la déliquescence des forces armées allemandes militaire. L’Allemagne dépense en valeur absolue pratiquement autant que la France pour sa défense alors qu’elle ne finance pas d’arme nucléaire.
Confier la responsabilité de notre sécurité à un ensemble d’Etats qui, dans une logique de courte vue, souvent proche de l’utopie pacifiste, répond seulement à des fins budgétaires et serait irresponsable.
Du terroriste islamiste et du combattant djihadiste
Je me demande combien de temps nos opinions publiques vont accepter le travestissement de la vérité dans la guerre contre l’Etat islamique. Depuis quand des « terroristes » agissent-ils en forces militaires organisées ? Les images même lointaines des combats autour de Kobané en Syrie, montrent en effet une armée insurgée, donc une troupe organisée et non quelques individus posant des bombes ou commettant des assassinats, en mesure de combattre en zone urbaine et tenter de conquérir une ville syrienne.
Or, tous les militaires savent la difficulté de conquérir une ville par une force armée et les djihadistes pourraient bien être en mesure de réaliser cette opération. Prendre une ville par les armes, signifie être formé individuellement, être entraîné collectivement, savoir combattre en interarmes associant forces blindées et infanterie, enfin savoir utiliser les appuis de l’artillerie et c’est bien que nous semble montrer les combats autour de Kobané.
Se pose aussi la question de savoir combien de temps les forces armées terrestres occidentales pourront-elles rester l’arme au pied sans que les conséquences en Irak et en Syrie ne soient irréversibles et donc menacent notre sécurité ?
L’interview dans le Monde du 12 octobre du Français de Jean-Paul Laborde, directeur du comité contre le terrorisme à l’ONU est significative avec cette réflexion : « la lutte contre l’Etat islamiste ne peut être seulement militaire ». Il montre déjà un fléchissement des esprits face à la guerre sans merci qui s’annonce.
Dans les combats autour de Kobané, une dernière question se pose avec insistance. Les forces turques, première armée de l’OTAN, observent les combats sans réagir. Comme en Afghanistan, la Turquie a une présence passive et maintient son ambiguïté face au monde musulman. Elle libère des djihadistes. Son territoire est une porte d’entrée vers le djihad. N’est-il pas temps de demander à la Turquie de quitter l’OTAN où aucune menace ne justifie plus vraiment son implication aux côtés des forces occidentales ?
Enfin, selon le Monde du 12 octobre, la France prendrait des libertés avec le droit dans les rapatriements des djihadistes français du Moyen-Orient. Je l’avais déjà évoqué mais effectivement, un gouvernement de gauche conduit une politique de plus en plus répressive. Même si je peux comprendre les enjeux, il est inquiétant de voir le peu de réaction « populaire » pour protester contre des mesures qui pourraient apparaître contraires au droit et comme des atteintes aux libertés. Le gouvernement précédent avait suscité beaucoup plus de réactions pour des mesures plus « soft ». Cela montre qu’être partisan nuit à terme à la sécurité nationale. Se battre contre un ennemi identifié exige une cohésion nationale.
Néanmoins, la lutte contre les djihadistes français implique que des mesures fortes et non en demi-mesures soient prises rapidement. Cela ne pourra aller que dans le sens de la restriction des libertés accordées à condition que le contrôle des mesures prises existe. Pourtant, trop « policiariser » notre société alors que l’armée, contre-pouvoir, est affaiblie, pourrait conduire à une situation intérieure potentiellement peu démocratique.