Pour clore la première partie sur ces « Quelques enseignements géopolitiques de la guerre en Ukraine », après « Le désarmement européen » (Partie 1, I.1.) suivi de « La fin de la mondialisation heureuse » (Partie 1, I.2.), ci-joint « Une guerre en Ukraine aux enjeux vitaux pour l’Occident » (Partie 1, I.3.).
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La géopolitique de ce conflit pour l’instant circonscrit à l’Ukraine a eu pour effet de rappeler que les enjeux pour le monde occidental sont vitaux pour son avenir y compris dans une approche civilisationnelle. Par ses valeurs partagées et notamment rappelées dans le conflit ukrainien, aussi bien par l’Ukraine que par les États qui la soutiennent, la revitalisation du bloc occidental, sinon son réveil, se révèle une nécessité existentielle à travers son organisation sécuritaire mais aussi par son rapport avec le recours à la force militaire.
L’organisation garante de notre sécurité internationale est représentée par l’OTAN qui, miraculeusement ayant survécu à sa mort cérébrale, a montré toute sa pertinence malgré les critiques d’une partie de la classe politique française. L’accueil de la Suède et de la Finlande créera cette sécurité collective européenne, sinon civilisationnelle si jamais ces États arrivaient à rejoindre l’OTAN, lieu de standardisation et d’harmonisation des stratégies militaires occidentales. Leur processus d’adhésion montre en effet la naïveté des traités signés dans le passé qui a permis à la Turquie, État autoritaire, aux relations ambiguës avec la Russie, d’être un acteur de nuisance au détriment de la sécurité de l’Europe.
Cependant le pilier européen de l’OTAN n’existera que si l’effort de défense des européens est significatif et capable d’opérations militaires autonomes de haute intensité. Dans ce contexte, la défense européenne a largement perdu de sa crédibilité. Les États-Unis ont montré qu’ils étaient indispensables alors que les flux d’armement américains créent une nouvelle dépendance : avions de chasse F35, blindés, munitions, renseignement… Il sera difficile de s’affranchir y compris par une BITD européenne.
Ce conflit a montré aussi que le recours à la force militaire était une option crédible. Il ne s’agit pas de renier nos principes mais de savoir les associer à une détermination dissuasive que l’OTAN peut et doit incarner. Les retenues occidentales hormis anglosaxonnes, sont en effet confrontées à un désinhibition d’États militairement puissants rejetant le cadre éminemment juridique imposé depuis 1945 par les Occidentaux, y compris dans l’application du droit dans la guerre. Russie, Chine mais aussi Turquie se positionnent comme des compétiteurs à l’affut de nos vulnérabilités et de nos faiblesses.
La position de la Chine dans le conflit ukrainien est à ce titre significative bien que son ambiguïté se lève peu à peu avec cette publication le 22 février 2023 de son concept global de paix régionalisant la sécurité internationale et posant indirectement la question de l’avenir de l’ONU, puis de ce soi-disant plan de paix en Ukraine le 25 février. Dans ce conflit, il est de son intérêt d’affaiblir d’abord les États-Unis, éventuellement les européens pour qu’ils ne traitent que d’économie et de grands principes, de la Russie afin d’élargir son influence dans l’Est sibérien.
Enfin, le retour de la guerre pose la question de la résilience d’une nation face à une agression. Certes cette problématique ne se pose pas directement à la France qui ne dispose pas d’un ennemi à ses frontières en Europe, ce qui serait éminemment mobilisateur. En revanche, la protection aux frontières de l’Union européenne et la défense de notre souveraineté dans nos possessions lointaines en l’Indo-pacifique nous imposent d’être capables d’agir dans la durée, avec les moyens notamment humains en adéquation avec le soutien de la nation, sinon des nations européennes.
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Pour conclure cette première partie, il est indéniable suite à ce constat que la guerre en Ukraine a révélé l’ensemble de nos faiblesses sinon de nos vulnérabilités. Cette situation établit les multiples signes annonciateurs d’un grand bouleversement des relations internationales dont le dernier avatar est cet improbable jusqu’à présent rapprochement irano-saoudien sous l’égide de la Chine. Nous ne pouvons pas à ce jour en estimer l’ampleur mais il nous concerne directement.
En toute état de cause, notre compréhension du monde à venir, notre relation à la guerre seront transformées. Elles impliqueront à la fois des conséquences sur la place géopolitique que le monde occidental, incluant par ailleurs des États asiatiques comme le Japon et la Corée du Sud, veut tenir ou préserver, sur la puissance militaire nécessaire pour affirmer ce positionnement, mais aussi dans le domaine sociétal avec des sociétés peu habituées à l’éventualité d’un conflit militaire pouvant les concerner directement.
Fin de la partie 1.
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