Le retrait du navire de forage Oruç Reis il y a quelques jours n’est sans doute qu’une pause [1] : la crise actuelle en Méditerranée orientale pourrait déboucher sur un conflit. S’il est souhaitable que les mécanismes diplomatiques parviennent à enrayer les risques de conflit armé, il n’est pas inutile d’évaluer les scénarios possibles d’affrontement entre la Turquie et ses voisins, découlant de l’analyse des caractéristiques du théâtre d’opérations, des forces en présence, des objectifs politico-économiques de chaque partie et de l’environnement international.
Une zone étroite, propice à des affrontements brefs et brutaux
La crise ne se limite pas à la proximité des eaux chypriotes dans lesquelles se poursuivent des explorations gazières. C’est bien l’ensemble des littoraux grecs, chypriotes et turcs qui constituent la zone de conflit possible.
Cette zone surtout en mer Égée, se caractérise par des eaux resserrées, parsemées de nombreuses îles très imbriquées, dans lesquelles circule un important trafic marchand international. Les îles grecques parsèment la côte anatolienne, souvent à quelques kilomètres seulement du littoral turc continental. Le différent étant essentiellement maritime, autour des zones économiques exclusives et des eaux territoriales grecques, l’essentiel des combats potentiels se déroulerait dans l’espace aéro-maritime.
Il ne s’agit pas ici d’envisager un affrontement océanique entre flottes hauturières manœuvrant sur des milliers de kilomètres, mais au contraire des combats rapprochés, dans un espace très étroit, avec des temps de vol des aéronefs et des missiles très réduits (moins de 30 minutes à travers la mer Égée en jet, bien moins pour un missile). Les préavis seraient donc très courts pour les décideurs, les temps de réaction et de contre-mesures très limités et un fort avantage tactique reviendrait à celui des belligérants qui ouvrirait le feu en premier (en contrepartie d’un fort désavantage diplomatique) [2]. Les risques de tir accidentel sur le trafic civil, aérien ou maritime, sont importants, surtout en cas d’emploi d’armes à longue portée. À bien des égards, la situation tactique ressemble au détroit d’Ormuz.
S’agissant des États grecs et chypriotes, la situation militaire est celle, très difficile, d’une défense en avant de positions indéfendables. Les îles grecques qui parsèment les côtes turques, et qui sont sources de contentieux depuis les années 20, sont situées à de très petites distances du littoral turc, dans une position très vulnérable.
De même, Chypre est très isolée en Méditerranée orientale, loin des autres États membres de l’Union européenne. Là encore, il faut constater que le domaine aéro-maritime serait déterminant : il constitue à la fois un des enjeux majeurs d’un conflit, en même temps que la clef de sa résolution, par la maîtrise, la prise ou le déni d’accès de zones clef.
Les zones d’affrontement terrestre existent, à la fois à la frontière nord de la Grèce, dans les plus grandes îles comme Lesbos ou Rhodes, ou bien entendu à Chypre, toujours divisée. Dans tous les cas, il s’agit de terrains difficiles, étroits, accidentés, avec une population civile nombreuse. Seule l’extrême pointe nord de la Thrace grecque, autour de la ville de Didymotique, forme un saillant plat, propices à des opérations mécanisées.
Les possibilités de combat terrestre seraient dans tous les cas limitées et les risques de dommages collatéraux importants, rendant presque inévitables les violations du droit international humanitaire (DIH).
Pour la Turquie au contraire, un éventuel conflit aurait le mérite de se dérouler autour du littoral proche, avec la possibilité d’utiliser au maximum les lignes intérieures de communication sous couvert des défenses antiaériennes locales : toute la zone de conflit est sous le feu des défenses aériennes turques au sol, qui bénéficient d’un avantage certain en termes de positionnement.
La Turquie a besoin d’un important trafic maritime international, mais il y a peu de risques qu’aucun belligérant ne tente de paralyser celui-ci, compte tenu des risques géopolitiques liés aux entraves à la liberté de navigation. En mer Noire, la Turquie n’a pas à craindre de menace immédiate, tant que la Bulgarie et la Roumanie demeurent neutres dans le différend qui oppose Ankara à Athènes et Nicosie.
Les forces en présence
Le seul comptage des équipements en ligne et des hommes n’est pas toujours très pertinent pour comparer des forces militaires. La première chose à garder à l’esprit est que les armées grecques et turques sont membres de l’OTAN depuis 1952. Cette ancienneté dans l’Alliance fait que les deux forces partagent des matériels, mais surtout des doctrines et des standards communs. À travers l’OTAN, elles bénéficient donc d’une connaissance mutuelle plutôt inaccoutumée entre rivaux de longue date. Les deux forces cependant ont suivi des trajectoires quelque peu divergentes depuis une vingtaine d’années, entre crise grecque et décollage turc.
L’émergence inaboutie d’une puissance turque autonome et moderne
La Turquie, longtemps plus faible sur le plan naval, a poursuivi ses efforts de renforcement de sa composante maritime de surface, notamment en développant ses constructions nationales (corvettes Ada) [3]. La situation actuelle donne un léger avantage numérique à la marine turque face aux seules forces grecques et chypriotes, notamment en raison de l’absence de menace en mer Noire. Toutefois, la position turque pourrait être rapidement précarisée par une intervention franco-italienne, surtout sous la forme de sous-marins modernes contre lesquels les capacités turques sont sans doute plus limitées que contre les forces de surface. Les flottes turque et grecque partagent la caractéristique de compter de nombreux navires légers, corvettes et navires d’attaque rapide, aux capacités concentrées sur la lutte anti-navire. Souvent très rapides, ils sont utiles dans le dédale côtier de la mer Égée, beaucoup moins en eaux ouvertes.
Forces navales turques – 2020 – Chiffres arrondis
Catégorie | Effectifs | Remarques |
Frégates | 16 | |
Corvettes et navires d’attaque rapide | 29 | |
Patrouilleurs | 16 | |
Navires amphibies | 33 | Essentiellement des chalands de débarquement |
Sous-marins | 12 | |
Hélicoptères | 35 | |
Avions de patrouille maritime | 14 |
Les purges menées par le président Erdogan après le coup d’Etat manqué de 2014 ont vu la mise à pied de plus de 15000 personnels de l’armée turque. Bien que la marine, bastion conservateur, ait peu souffert, l’armée de l’air semble avoir perdu de nombreux pilotes qui n’ont pas été remplacés par des personnels aussi expérimentés (un problème qui s’estompera avec le temps et l’expérience) [4]. En revanche, les dommages les plus importants l’ont été au niveau des états-majors et des échelons logistiques. La performance mitigée de l’armée turque lors de son intervention en Syrie tient sans doute à cet affaiblissement des structures de commandement de de contrôle qui n’ont pas été capables de mettre en œuvre des opérations combinées blindés/infanterie, ainsi qu’à une faiblesse logistique ancienne et bien connue [5].
L’arme turque dispose toujours d’effectifs très important, avec un parc de matériels qui n’est pas sans rappeler celui de la Russie, composé d’un mélange de générations successives très hétérogènes. Certains matériels, notamment les deux tiers de la force blindée, date des années 50 et sont, malgré les modernisations, d’une valeur discutable dans un engagement moderne de haute intensité. Le taux de disponibilité et la fiabilité des matériels, même modernes, semble avoir été très bas lors de l’intervention en Syrie. Cependant, le volume du parc peut se révéler utile pour des opérations périphériques ou dans des situations de front figé, notamment mis aux mains de mercenaires ou de paramilitaires, comme on l’a vu au Donbass [6].
Forces terrestres turques – 2020 – Chiffres arrondis
Catégorie | Effectifs | Remarques |
Personnel d’active [7] | 355 200 | |
Personnel de réserve | 380 000 | Total théorique. les réserves utiles mobilisables sont sans doute très inférieures. |
Chars de combat modernes | 340 | Leopard 2 achetés d’occasion en Allemagne |
Chars de combat anciens | 2 700 | Leopard 1 (397), M60 (1 532), M48 (758) |
Véhicules blindés | 5 800+ | Dont plus de 3 500 M113 américains |
Hélicoptères | 485 | |
Drones | 180+ | |
Artillerie moderne | 450 | Dont environ 150 lance-roquettes et 300 obusiers automoteurs de 155 mm |
Artillerie ancienne | 2 000+ | Parc très hétérogène de pièces tractées ou autopropulsées et de lance-roquettes anciens |
La Turquie a fait, depuis 1974 et avec une ardeur redoublée depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, de gros efforts de développement de sa Base industrielle et technologique de défense (BITD). On estime que les forces turques sont alimentées à plus de 75% par l’industrie nationale pour leurs nouveaux matériels [8]. Des choix très marqués ont été faits ces dernières années, comme celui de développer très fortement la composante « drones », armée ou non.
L’usage massif des drones turcs en Libye a été ainsi identifié comme étant un facteur important dans le retournement récent de la situation militaire [9].
Longtemps arrimée aux seuls fournisseurs occidentaux, la Turquie a fait le pari d’acheter à Vladimir Poutine des missiles S-400 de défense aérienne à longue portée. Bien que leur intégration dans les systèmes turcs construits autour des standards de l’OTAN pose question, leur portée représente une menace très significative, à même de gêner considérablement les opérations aériennes grecques et chypriotes. Il semble que ces systèmes ne soient toujours pas opérationnels (au 15 septembre 2020). Leur entrée en service constituerait un important démultiplicateur de forces, à même de compliquer sérieusement la tâche des forces adverses.
Forces aériennes turques
Catégorie | Effectifs | Remarques |
Chasseurs modernes | 276 | F-16C/D |
Chasseurs anciens | 120 | F4-E Phantom (version II et version modernisée 2020 |
Systèmes anti-aériens longue portée | 2 | S-400 (4 batteries disponibles ?) |
Systèmes anti-aériens moyenne portée | Hisar (24), Hawk (16) |
Il faut noter que les forces aériennes turques se sont dotées depuis une dizaine d’années d’armes de précision à longue portée. Le pays est ainsi un des rares utilisateurs du missile AGM-84H/K SLAM-ER d’une portée de plus de 270 kilomètres et d’une précision métrique [10]. La Turquie a également développé un missile de croisière national (SOM – Satha Atılan Orta Menzilli Mühimmat) [11], ce qui la rend autonome en matière de production d’armes (mais pas forcément de leurs composants). La Turquie est aujourd‘hui en capacité de menacer les forces aériennes, navales et les bases terrestres de ses adversaires depuis son territoire national, sous la protection de ses défenses aériennes. L’inverse n’est pas forcément vrai.
Sur le plan de la supériorité aérienne, la Turquie est en revanche à la peine. Ses effectifs sont à peine supérieurs à ceux ce la Grèce, les F4-E Phantom, même modernisés, sont vraiment des appareils anciens et, on l’a dit, l’expérience des pilotes a baissé suite aux purges. L’acquisition par la Grèce de Rafale français au dernier standards, couplée à l’arrêt de l’acquisition du F-35, laisse la chasse turque avec la perspective d’être, pour longtemps, inférieure sur le plan tactique [12]. Cette infériorité rend d’autant plus importante l’acquisition de systèmes antiaériens. À ce titre, la “meilleure plage” pour une ouverture de conflit pour la Turquie se situerait entre l’activation des S-400 sur le plan opérationnel (fin 2020) et la qualification opérationnelle des premiers Rafale F3 grecs (fin 2021) [13].
La Grèce – une situation périlleuse après la crise économique
S’agissant de la Grèce, sur le plan aérien comme sur le plan naval ou terrestre, les forces ont souffert de la crise économique. Les matériels sont vieillissants, les heures de vol et les jours de mer ont été réduits, et la qualité de la qualification opérationnelle des unités s’en est forcément ressentie. Ce point est néanmoins à relativiser, les accrochages récents qui ont eu lieu dans le ciel ou en mer Égée semblant confirmer l’ascendant des personnels grecs [14].
Sur le plan terrestre, les forces grecques ont la capacité de défendre leur frontière nord, mais beaucoup moins les îles qui longent la côte anatolienne, qui sont pour la plupart largement sous le feu de l’artillerie et des défenses antiaériennes turques. Compte tenu de la confortable supériorité numérique d’Ankara, la défense des îles est donc une véritable « mission impossible » pour l’armée grecque, soutenue par de très modestes moyens. Même en cas de victoire navale grecque, il serait bien difficile par exemple d’empêcher un débarquement à Castellorizo, Lesbos ou même Rhodes ou de les reprendre de vive force.
Forces navales grecques – 2020 – Chiffres arrondis
Catégorie | Effectifs | Remarques |
Frégates | 13 | |
Corvettes et navires d’attaque rapide | 19 | |
Patrouilleurs | 16 | |
Navires amphibies | 9 | Essentiellement des chalands de débarquement |
Sous-marins | 11 | |
Hélicoptères | 19 | |
Avions de ptrouille maritime | 1+4 | Réactivation des P3-C Orion |
Forces terrestres grecques – 2020 – Chiffres arrondis
Catégorie | Effectifs | Remarques |
Personnel d’active | 108 000 | |
Personnel de réserve | 500 000 | Total théorique. Les réserves utiles mobilisables sont sans doute très inférieures |
Chars de combat modernes | 350 | Leopard 2, version HEL (locale) et 2A4 |
Chars de combat anciens | 1 000 | Leopard 1 (500), M60 (100), M48 (400) |
Véhicules blindés | 3 500 | Dont 2 500 M113 |
Hélicoptères | 240 | Dont 28 AH-64 Apache |
Drones | 16 | SAGEM Sperwer de reconnaissance |
Artillerie moderne | 500 | Dont 36 lance-roquettes M270 et 25 PzH 2000 |
Artillerie ancienne | 600 |
Forces aériennes grecques – 2020 – Chiffres arrondis
Catégorie | Effectifs | Remarques |
Chasseurs modernes | 199 | F-16C/D (155), Mirage 2000 (44) |
Chasseurs anciens | 33 | RF4-E Phantom (version II) |
Systèmes anti-aériens longue portée | 52 | 16 S-300PMU1 (positionnés en Crète) et 36 Patriot PAC III |
Systèmes anti-aériens moyenne portée | 42 | Hawk |
Sur le plan terrestre, l’armée grecque présente des similitudes avec l’armée turque : les parcs de matériels sont proches, avec néanmoins des matériels russes aux cotés des équipements occidentaux. Les forces grecques sont aussi très hétérogènes, avec là encore des chars datant des années 50 et d’autres plus modernes.
La Grèce et Chypre disposent également d’un large éventail de moyens de défense aérienne, avec des batteries à longue portée de missiles Patriot, mais aussi de missiles russes S-300. Même si leur enveloppe d’engagement est inférieure aux S-400 turcs, l’étroitesse de la zone fait que les appareils turcs seraient menacés dès qu’ils quitteraient le territoire national, ce qui ne les empêcherait pas, on l’a vu, de se livrer à des frappes. Les personnels grecs sont assez expérimentés dans l’usage de leurs batteries, ayant même été déployés en opérations extérieures en Arabie Saoudite, ce qui constitue sans doute le meilleur des entraînements [15].
La Grèce a acquis une centaine de missiles de croisière SCALP-EG, qui pourraient être utilisés pour neutraliser une partie des radars fixes turcs en cas de conflit, même si assumer des frappes sur le territoire national adverse serait, dans un cas comme dans l’autre, assumer une escalade plus importante du conflit [16].
Chypre est dans une position encore plus difficile que la Grèce : ses effectifs militaires sont réduits, équivalents à ceux de Chypre du Nord. Ses forces ne comptent qu’une centaine de chars anciens, quelques hélicoptères et aucune composante de chasse, tandis que sa marine se limite à quelques patrouilleurs. L’armée turque maintien sur l’île plusieurs dizaines de milliers d’hommes, contre lesquels la garnison grecque n’en aligne que quelques milliers. Loin de ses alliés, Chypre est fondamentalement une « proie » facile, surtout si le Royaume-Uni ne joue plus, manu militari, son rôle de garant de l’indépendance de l’île [17].
Les revendications des parties en présence
La situation en Méditerranée orientale ne se résume pas, loin de là, à une question gazière. Les contentieux sont anciens, datant pour certains des années 1920 et du traité de Lausanne (1923) [18]. La situation géopolitique héritée des deux conflits mondiaux a laissé Turquie et Grèce opposées sur la question des îles de la mer Égée.
Pour la Grèce et Chypre, les buts principaux de la crise actuelle sont le maintien du statut quo territorial et l’affirmation de leur souveraineté sur leurs zones économiques exclusives, découlant d’une interprétation stricte de la Convention des Nations Unies pour le Droit de la Mer (CNUDM) dite « de Montego Bay » de 1982 (que la Turquie n’a pas ratifiée). Celle-ci leur confère l’exclusivité de l’exploitation des ressources au large de leurs îles. En outre, pour Chypre, il s’agit de réaffirmer le caractère illégal de l’occupation turque de la partie nord de l’île, dont le gouvernement local n’est guère reconnu (et perfusé) que par Ankara.
La position grecque est périlleuse car le pays n’a en apparence « rien à céder ». Les Grecs estiment déjà faire preuve de modération en se limitant à des eaux territoriales de 6 miles nautiques et n’entendent pas céder sur la question des zones économiques exclusives, campant sur la position de l’équidistance.
Obtenir (enfin) un soutien fort et univoque de l’Union européenne est – pour les deux capitales de l’est méditerranéen – un objectif clef d’intégration politique. En sommant les Européens de « choisir leur camp », Nicosie et Athènes souhaitent faire prévaloir la solidarité européenne face aux crises, au détriment du calcul d’intérêts nationaux immédiats. Toutefois, en dehors de Paris et, dans une moindre mesure de Rome, le soutien européen se fait encore attendre.
Pour la Turquie, il s’agit avant tout de faire valoir que la répartition des zones maritimes en Méditerranée qui découle de l’application stricte de la CNUDM, et des ressources qui y sont liées, est inéquitable. Le pays s’appuie sur divers avis de la cour internationale de justice (CIJ), notamment dans le cas du litige Malte contre Libye [19], qui considère que dans la délimitation des zones litigieuses, le principe d’équidistance n’est ni une règle générale ni une méthode obligatoire, l’important étant de parvenir à une situation « équitable en droit ». La partie turque dénonce ainsi le fait que des îles grecques de quelques kilomètres carrés, et en particulier Castellorizo, projettent des zones maritimes de dizaines de milliers de kilomètres carrés au large, privant la Turquie de larges zones de ressources malgré son long littoral.
Au-delà de cette position face à une iniquité qui semble défendable, Ankara a développé un discours plus radical, autour de la notion de « Patrie Bleue », qui refuse simplement de reconnaître qu’une île puisse projeter une zone économique exclusive. Il s’agit d’un point de vue très minoritaire, qui n’est défendu que par la Turquie et la Libye depuis la signature de l’accord de 2019 [20]. Ainsi, le partage des ZEE décidé par les deux gouvernements ignore tout simplement les ZEE que pourraient projeter Rhodes ou la Crète, tandis qu’il ignore même complètement l’île de Castellorizo et ses eaux territoriales. Il faut d’ailleurs noter que cette position rend impossible la ratification par la Turquie de la CNUDM qui constitue un « acquis communautaire » devant être ratifié par tout candidat à l’entrée dans l’Union européenne. La position turque actuelle semble liquider, pour longtemps, l’idée d’une Turquie rejoignant de l’UE.
L’appropriation qui en découle des ressources gazières méditerranéennes est d’une haute importance pour le pouvoir turc, à la fois pour répondre aux besoins croissants de sa population et pour assurer à l’avenir des rentrées de devises par exportation. Pour y parvenir, la Turquie pratique une politique de « fait accompli », explorant les gisements en se contentant d’ignorer les zones économiques exclusives des îles grecques et chypriotes, incitant par là même ces pays, militairement plus faibles, à faire un choix cornélien : soit céder, et créer ainsi un précédent coutumier, soit courir le risque d’engager les hostilités dans une position militaire délicate et avec un soutien incertain de la part de leurs alliés européens [21].
Il ne faut pas néanmoins surestimer l’importance des réserves gazières en jeu : d’après les publications les plus récentes, elles ne représenteraient que 2 à 3% des réserves mondiales dans l’ensemble de la zone, la Turquie ne pouvant guère espérer s’en approprier qu’une petite partie à l’ouest de Chypre [22]. Ces réserves sont en outre situées dans des zones très profondes, alors même que les cours mondiaux du gaz, très bas, rendent la rentabilité des projets d’exploitation très aléatoire. A moins d’une remontée spectaculaire des cours gaziers, improbable dans un contexte d’abondance des ressources et de crise économique, l’exploitation des champs au large de Chypre pourrait bien attendre plusieurs décennies [23].
La crise actuelle est surtout cruciale pour le pouvoir en place à Ankara sur le plan de la politique interne. Au-delà des questions économiques et énergétiques, c’est bien le devenir politique de l’AKP et du président Erdogan qui sont en jeu. Après avoir pendant de longues années mené une politique favorable aux zones rurales de rattrapage des infrastructures pour assurer sa base électorale, la situation politique, notamment en lien avec la crise économique, impose au pouvoir de trouver de nouveaux motifs de succès. La livre turque s’est effondrée, le pouvoir d’achat est en berne et l’activité économique patine [24]. Cette dimension interne, associée à une volonté affichée de « revanche sur l’histoire » et de prise d’un rôle pivot régional impliquent que la victoire est, en elle-même une impérieuse nécessité. L’alliance nécessaire de l’AKP avec les partis nationalistes pour le maintien de sa majorité ainsi que le besoin de se concilier les militaires turcs impliquent qu’un recul est très difficile pour le président turc [25].
Ankara n’est pas dépourvu de soutien ni d’atouts. La Turquie peut compter sur son alliance avec le gouvernement de Tripoli, le seul reconnu en Libye par les Nations Unies, mais aussi sur la présence de minorités turques importantes en Europe occidental et dont une partie est très attentive à la question nationale turque, très consensuelle [26]. La Turquie peut également faire pression sur l’Union européenne en agitant la menace des migrants retenus sur son sol, et qu’Ankara serait prêt à laisser « déferler » sur l’Europe en cas de crise. Même si une partie de cette rhétorique relève de la propagande grossière, elle peut produire des effets sur les États balkaniques. L’UE a néanmoins, depuis le début 2020, adopté une posture plus ferme sur le sujet [27].
L’environnement international
La crise actuelle mobilise un certain nombre de puissances, mondiales et régionales, avec des objectifs très divers. Elle confirme par là même l’importance du carrefour méditerranéen pour l’Europe.
Pour la France et l’Italie, le soutien à la Grèce et à Chypre se situe à la convergence d’intérêts politiques et économiques. La défense des « frontières » de l’Union européenne est perçue comme une absolue nécessité pour la crédibilité politique du projet européen, même et surtout sans soutien américain. Reculer, ne pas soutenir un peuple grec qui a déjà eu l’impression d’être sacrifié sur l’autel de l’austérité budgétaire ordo-libérale allemande et puni pour l’incurie de ses dirigeants (qui ne l’ont pas été) porterait pour Paris un coup fatal à toute la dimension politique du projet européen. La réussite du sommet d’Ajaccio semble confirmer la mobilisation des pays européens de la Méditerranée (ainsi que du Portugal) autour de la position française [28].
Français et Italiens sont aussi impliqués, par l’intermédiaire de compagnies pétrolières ayant leurs sièges sociaux à Paris et Rome, dans l’exploration des ressources gazières [29]. Mais les deux pays divergent sur la question libyenne, et le tandem transalpin est loin d’être toujours soudé dans le traitement de ces questions régionales, dans lequel l’Italie revendique une forme de primauté. Il faut souligner en outre l’état problématique des forces italiennes, qui ont perdu en capacité opérationnelle depuis des années, se concentrant sur des missions de « garde-côte » au détriment de la préparation au combat de haute intensité [30]. Si les Français ont anticipé plus tôt le retour des risques de conflit majeur et ont un haut niveau de préparation opérationnelle, la Marine nationale est étirée sur l’ensemble du globe avec des engagements qui la poussent aux limites d’un format notoirement insuffisant et qui ne laissent à Paris que peu de marges de manœuvre [31].
S’agissant des autres États de l’Union européenne, une ligne de fracture se trace, qui prend les contours des Etats « frugaux » d’Europe du Nord mesurés dans leur soutien à Athènes et Nicosie. Ils sont emmenés par l’Allemagne, qui pousse pour des négociations de compromis. Avec un million de ressortissants en Turquie, cinq millions de Turcs sur son territoire, plus de 20 milliards de commerce avec Ankara chaque année et un besoin impérieux de gaz pour assurer sa sortie du charbon et du nucléaire, l’Allemagne n’a pas vraiment les moyens de s’attirer l’hostilité d’Ankara [32]. Cette position ne fait néanmoins pas l’unanimité en Allemagne, une part croissante de la population souhaitant le soutien aux intérêts européens contre les menaces extérieures [33].
Si on a longtemps opposé Europe de l’ouest et de l’est, le clivage actuel qui déchire l’Union tend plutôt à opposer Europe du nord et du sud. Les pays méditerranéens sont préoccupés par les menaces en provenance de l’arc de crises d’Afrique et du Proche orient : islamisme, activités criminelles, immigration illégale, déstabilisations d’États fragiles, influence chinoise et lutte pour les ressources dans un contexte de changement climatique. Rassemblés par leur fragilité économique, ils tendent à serrer les rangs contre une Europe du nord plus riche, moins solidaire, focalisée par la menace russe et qui souhaite avant tout préserver le lien avec Washington, quoi qu’il en coûte, considérant ouvertement que la crise en Méditerranée est une « distraction » face à la question de la Biélorussie [34].
À ce titre, la France, traditionnellement pivot de la synthèse européenne, est portée vers le sud par la combinaison de ses engagements militaires en Afrique et au Proche orient, mais aussi par la concomitance de ses difficultés économiques qui la font durablement décrocher face à l’Allemagne, sans pouvoir utiliser l’arme monétaire pour corriger certains écarts par la dévaluation.
Les États-Unis sont dans une logique de réduction de leur implication dans la région. Cette tendance est totalement bi-partisane, la continuité d’action – sinon de style – étant frappante entre les administrations Trump et Obama. Si les États-Unis furent plus présents sous la présidence précédente dans la lutte contre l’État islamique, il n’y a pas sur le fond de volonté de s’impliquer ni de s’interposer dans ce conflit entre deux membres de l’OTAN. Washington s’active en coulisse via l’Alliance atlantique pour inciter à la désescalade, mais ce conflit n’intéresse pas au premier titre les États-Unis qui souhaitent surtout éviter une ingérence russe. Mike Pompéo avait soutenu Athènes en 2019 à propos du différent autour de l’îlot d’Imia, mais depuis Washington s’est fait plus discret [35].
Deux puissances sont en revanche en position d’arbitres potentiellement utiles : Israël et la Russie. Pour Tel Aviv, la question de la sortie des ressources gazières est importante, tandis que l’époque est à la normalisation avec les monarchies du Golfe contre l’Iran chiite. À ce titre, Israël, après des rapprochements avec la Turquie dans les années précédentes, est plutôt maintenant dans une logique de neutralité critique vis-à-vis d’Ankara. A tout le moins, on peut penser que l’État hébreux verrait d’un mauvais œil une victoire turque trop appuyée qui forcerait la sortie d’une partie du gaz par des infrastructures anatoliennes et qui alimenterait la puissance d’un pouvoir favorable aux frères musulmans. Israël a d’ailleurs signé avec la Grèce un accord de délimitation des ZEE, tout en dénonçant l’accord de la Turquie avec la Libye [36]. Un soutien israélien, ou à tout le moins une « neutralité bienveillante » serait la bienvenue pour Chypre notamment, en cas de crise ouverte.
Mais le grand arbitre de la situation pourrait bien être Vladimir Poutine, qui excelle dans ce rôle opportuniste, et ce d’autant plus facilement que les intérêts russes ne sont pas directement impliqués. Ayant sécurisé sa position en Syrie mais sans avoir les moyens de la reconstruction, le pouvoir russe connait des hauts et des bas dans sa relation avec le Turquie. Le soutien à la Grèce pourrait bien être un pari tentant de la part de Moscou, surtout en cas de timidité européenne face à Ankara : diviser et affaiblir l’OTAN est un objectif toujours important pour la Russie, qui pourrait aussi avoir un intérêt à limiter l’expansion turque en soutenant Grecs et Chypriotes [37]. Les liens des deux pays sont déjà forts avec Moscou, moins sans doute via la religion orthodoxe que pour des raisons économiques. Ainsi, les armées grecque et chypriote mettent en œuvre un certain nombre de matériels russes (chars, véhicules blindés, missiles), tandis que Chypre abrite de nombreuses banques d’affaire qui gèrent des capitaux russes à l’origine parfois douteuse, constituant ainsi une porte d’entrée utile à Moscou dans le système monétaire occidental [38]. La présence d’une escadre russe en Méditerranée orientale pourrait au final compliquer singulièrement la situation en cas de conflit et, dans tous les cas, constituer un problème certain pour les marines occidentales qui seraient dans l’expectative face à ces bâtiments. Moscou ne manquera pas de souligner l’incapacité de l’OTAN à gérer ses tensions internes, tout en ayant comme toujours un rôle d’arbitre via son veto décomplexé au Conseil de sécurité des Nations unies. Le ministre russe Sergey Lavrov a d’ailleurs déjà accusé les États-Unis d’être à la « source du conflit » [39].
Enfin, il faut noter l’effacement du rôle historique du Royaume-Uni comme protecteur de Chypre et dans une moindre mesure de la Grèce. Les deux bases britanniques à Chypre, aux moyens bien réduits, seraient certes soigneusement évitées par les belligérants en cas de conflit. Mais Londres souhaite surtout ne froisser personne : ni Bruxelles en pleines négociations du Brexit, ni le président Erdogan avec lequel Boris Johnson espère un accord de libre-échange. Il semble donc que, dans cette crise dans son ancienne zone d’influence, le destin de la nouvelle « Global Britain » soit de regarder ailleurs et d’attendre [40]… Du reste, l’état de dénuement dans lequel se retrouvent les forces armées britanniques après des années usantes d’engagement et d’austérité ne laisse pas à Londres beaucoup de crédibilité.
Un possible recours à la force ?
La situation étant posée, il convient de se demander si et quand les parties en présences ont vraiment intérêt à recourir à la force. Officiellement, personne ne menace de se lancer dans des opérations offensives. Toutefois, les « lignes rouges » ont été définies par Athènes et Ankara autour de l’exploitation des ressources gazières. Tant que les Turcs se limitent à des missions « d’exploration », le casus belli semble improbable. En revanche, le scénario à privilégier est celui d’un incident qui deviendrait rapidement hors de contrôle en raison de la proximité d’un grand nombre de forces à la fois en état d’alerte et usées par la durée de celle-ci.
Il y a, pour Ankara, une convergence de facteurs qui plaident pour une action offensive : les difficultés économiques, la possibilité de convocation d’élections anticipées [41], mais aussi (surtout) l’approche des élections présidentielles américaines : si un chaos électoral devait suivre, la capacité de réaction de Washington serait fortement limitée, en Méditerranée comme en Asie [42]. On l’a dit également, la mise en service des S-400 turcs et l’arrivée en 2021 des Rafale grecs laisse à la Turquie une « petite fenêtre » d’action à l’automne 2020 (sur fond de possible reprise de la pandémie de Covid-19).
Trois hypothèses de conflit se dégagent : l’incident aérien limité, l’incident naval avec prise de gages insulaires, et le conflit régional avec escalade terrestre.
Hypothèse basse – conflit aérien
Le conflit le plus probable, et heureusement plus limité, est celui lié à un incident aérien qui dégénère. Ce n’est heureusement pas fréquent. Si les incidents aériens tiennent une place importante dans les romans d’anticipation comme source de conflits, la réalité depuis 1945 est bien différente : les accrochages ont été nombreux à l’ère moderne et peu débouchent sur des conflits. Ainsi, l’accrochage sérieux de 1996 entre Turcs et Grecs ne s’était pas soldé par une escalade, mais « seulement » par la destruction d’un F-16 turc par les Mirage 2000 grecs [43].
Toutefois, en 2020, les choses ont changé : l’escalade des tensions depuis plusieurs mois a créé une situation de vigilance permanente. Le théâtre de la mer Égée, par sa petite taille et par le grand nombre de systèmes actifs, présente un risque d’enchaînement fatal en cas d’ouverture du feu (volontairement, ou par erreur ou incompréhension). Un échange bref mais violent pourrait aboutir à la perte de plusieurs appareils dans chaque camp, surtout si des plateformes navales font usage de leurs armes.
S’il est peu probable que l’incident ne débouche sur des bombardements des territoires nationaux, l’escalade aérienne au-dessus des îles de la mer Égée serait pour la Turquie l’occasion de montrer sa puissance en utilisant des défenses aériennes à longue portée et des plateformes navales protégée dans les eaux côtières pour paralyser la capacité grecque de défendre les îles de la mer Égée. Même si la chasse grecque gagnait une supériorité initiale, elle serait dans l’incapacité de venir surveiller le Dodécanèse ou de s’aventurer jusqu’au large de Chypre.
Même si les chasseurs turcs seraient sans doute cantonnés à leur territoire national, un ciel « vide » bénéficierait surtout à la partir Turque, dont les essaims de drones pourraient harceler pendant longtemps les forces grecques dans les îles, sans qu’il soit possible pour Athènes de trouver une parade adéquate. Les drones, pouvant être mis en œuvre depuis des terrains de fortune ou des navires civils, pourraient même être utilisés par Ankara dans une stratégie de harcèlement non officielle, avec des démentis rejetant la responsabilité de leur utilisation sur un « complot grec ». En matière de complotisme et de mensonge éhontés, les dix années de crise syrienne ont montré que « plus c’est gros, plus ça passe ».
Une déclaration de « no fly zone » mutuelle au-dessus de la mer Égée constituerait une entrave au trafic aérien, même si, compte tenu de la crise actuelle, les vols commerciaux moins nombreux pourraient éviter la zone.
Si les tensions n’étaient pas rapidement désamorcées par une intervention de la communauté internationale, la Turquie pourrait être tentée par une prise de gage insulaire limitée, que nous évoquerons plus bas. En tous cas, cette situation de neutralisation réciproque des forces aériennes conventionnelles sur fond de campagne de drones turcs serait clairement une défaite pour le tandem gréco-chypriote, qui ne dispose pas de tels moyens de rétorsion. La situation pourrait ainsi demeurer longtemps celle d’une hostilité armée avec des tirs sporadiques, entraînant des risques accrus d’incidents navals.
Hypothèse médiane – incident naval sérieux
L’hypothèse d’un incident naval aboutissant à un conflit armé ne doit pas être sous-estimée, notamment compte tenu de la volonté turque d’exploiter les ressources gazières mais aussi de continuer de ravitailler en armes le gouvernement de Tripoli. L’incident entre la frégate française Courbet et la frégate turque Oruçreis le 10 juin 2020 était d’ailleurs lié au non-respect de l’embargo des Nations Unies par la Turquie [44]. Le 14 août dernier, un abordage spectaculaire mais sans gravité a impliqué la frégate turque Kemal Reis et la corvette grecque Limnos, sans autres dommages que matériels [45]. Si aucun des deux incidents n’a débouché sur l’ouverture du feu, on est sans doute passé bien près, dans un cas comme dans l’autre.
Comme on l’a dit, l’étroitesse des eaux, la présence de nombreux navires à la mer et la densité du trafic aboutiraient sans doute, en cas de tir, à une bataille navale « à bout portant », presque en vue. Si des escadres grecques et turques se retrouvaient confrontées en mer, autour par exemple de l’interception d’un navire de forage turc, l’ouverture du feu ne pourrait être exclue. Le paradoxe est que la partie qui « tirerait la première » aurait d’avantage à justifier dans l’opinion mondiale, même si elle agit en défense contre une incursion dans ses eaux. Il faut à ce titre garder à l’esprit que le droit international reste peu clair quant à la possibilité d’un État d’invoquer la « légitime défense » pour protéger ses droits économiques revendiqués dans sa ZEE en cas de litiges. Il ne s’agit pas en effet d’eaux « territoriales » dans lesquelles une incursion pourrait plus légitimement être repoussée. La Turquie joue clairement sur cette ambigüité et cherche sans doute à pousser Athènes et Nicosie à la « faute » [46].
Dans tous les cas, l’attitude des navires français ou italiens présents sur zone serait déterminante, surtout si des unités de premier rang sont disponibles (frégates Horizon ou FREEM). La « bataille navale » qui suivrait un premier tir serait probablement très brève, durant moins d’une heure, mais occasionnant sans doute la perte de plusieurs navires, par missiles mais aussi par tirs d’artillerie vu la proximité probable des belligérants.
Si l’incident éclate, comme c’est prévisible, en Méditerranée orientale, près de Chypre, les forces grecques seraient handicapées par l’éloignement des bases aériennes et par l’enveloppe de défense antiaérienne turque, surtout si des missiles S-400 sont opérationnels. Envisager un affrontement sans soutien aérien, sans patrouille maritime, sous le feu de l’aviation adverse est un scénario noir pour la marine grecque. À ce titre, la présence de chasseurs français Rafale à Chypre ou même du groupe aéronaval du porte-avions Charles de Gaulle changeraient complètement la donne et pourraient assurer à la flotte grecque un soutien indispensable à sa survie loin de ses ports. Encore faudrait-il que Paris assume l’ouverture du feu, ce qui devient plus probable avec un accord de défense mutuel [47].
Une bataille navale, quelle que soit sa conclusion, ouvrirait une crise majeure, qui motiverait la réunion immédiate du Conseil de Sécurité des Nations Unies, tout en mettant l’OTAN en position très délicate. À ce titre, le scénario le plus catastrophique serait, on l’a évoqué, celui d’une paralysie de l’administration américaine par une incertitude électorale entre Donald Trump et Joe Biden. Dans ces conditions, les Européens seraient face à leurs contradictions et le moment serait décisif pour l’Union européenne : depuis 1945, la plupart des européens n’imaginent pas une crise « sans les Américains ».
C’est à ce moment qu’une intervention turque contre les îles grecques de la Mer Egée apparaîtrait comme la meilleure opportunité pour Ankara, quel que soit le résultat de l’affrontement naval. Le débarquement à Castellorizo, Lesbos ou dans le Dodécanèse serait aisé pour l’armée turque, sous le feu de son artillerie terrestre et la protection de ses batteries antiaériennes. Cette prise de « gages insulaires » que la Grèce serait incapable de reprendre de vive force ne manquerait pas de s’accompagner de l’instrumentalisation des réfugiés par Ankara aux frontières de l’Europe, mais aussi d’appels aux communautés turques dans les pays européens qui auraient soutenu Athènes et Nicosie. Déporter les 500 habitants de Castellorizo sous couvert de les « protéger des combats » serait pour Ankara l’occasion de décréter une annexion sur la base de son rejet du traité de Paris de 1947.
Le Dodécanèse présente de nombreux avantages, outre la proximité de la côte : il s’agit d’un archipel pris par l’Italie à l’Empire ottoman, puis cédé à la Grèce en 1947, sans que la Turquie ait son « mot à dire ». L’héritage mussolinien d’une « colonisation illégitime » est régulièrement agité par Ankara, Athènes soulignant au contraire le caractère grec très ancien des populations. Le Dodécanèse est le principal verrou de la sortie de la mer Égée, et c’est au large de ces eaux que se situent les possibles gisements gaziers.
En parallèle, harcèlement par drones des îles et interdictions aériennes se poursuivraient, l’idée étant de ménager le territoire continental grec pour limiter les risques d’escalade, surtout si Paris et Rome hésitent.
L’idée pour Erdogan serait, une fois les débarquements effectués, de rechercher la médiation allemande, afin d’entrer dans un processus de « négociations pourrissement » tel que la Russie l’a conduit avec succès en Crimée ou au Donbass. L’instrumentalisation des réfugiés, notamment au camp de Lesbos, serait également l’occasion de souligner les manques européens en la matière. La Turquie pourrait ainsi aborder une conférence de paix avec de bonnes cartes en main. Seule une réaction européenne forte, associant sanctions économiques, blocus maritime et interceptions navales serait à même de faire reculer la Turquie. Mais les gouvernements européens y sont-ils prêts ?
Hypothèse haute – escalade vers un conflit majeur
Le stade ultime de la crise pourrait déboucher sur un affrontement armé au sol. Là encore, il serait lié à l’incapacité de la communauté internationale à s’interposer efficacement dans la crise, mais aussi à la volonté mutuelle de prendre l’avantage en cas de négociations. Il s’agirait, pour l’un ou l’autre camp, non pas d’envisager une réelle invasion, mais de prendre des positions « en gage ».
Le conflit au sol serait paradoxalement d’autant plus probable que la marine turque aurait enregistré de lourdes pertes, face à un soutien franco-italien de la Grèce par exemple. L’escalade terrestre menée par Ankara ne serait alors pas limitée aux îles grecques, mais pourrait concerner Chypre et la frontière continentale grecque. Sur Chypre, les « incidents » sont faciles à instrumentaliser et les forces des nations unies sur place ne sont pas en position d’empêcher une offensive conventionnelle [48]. De même, sur le continent, des incidents liés aux groupes de réfugiés poussés par la Turquie sur les frontières grecques pourraient aboutir à des affrontements conventionnels qui embraseraient la zone. Athènes chercherait bien entendu l’appui de Sofia, les relations avec la Bulgarie étant plutôt excellentes.
Cette hypothèse d’un conflit de haute intensité opposant Grèce et Chypre à la Turquie est extrême. Mais sa probabilité, si elle est faible, n’est pas nulle. L’armée turque ouvrirait le conflit avec un avantage numérique certain, et chercherait à exploiter au plus vite son avantage avant que la communauté internationale ne parvienne à contraindre les parties à un cesser le feu. La vision de la « Patrie Bleue » serait à portée de main et il ne faut pas sous-estimer l’emballement qui peut accompagner les premiers succès. La plupart des îles grecques de l’est de la Mer Égée seraient envahies et Salonique pourrait être menacée. Les bombardements sur les infrastructures militaires continentales ne seraient plus tabous, et les forces navales turques s’emploieraient à couper Chypre de toute assistance occidentale. Dans cette situation, une faiblesse européenne signerait à coup sur la fin de l’Union européenne en tant que projet politique. D’un autre côté, une réaction européenne forte serait à même de bloquer toute offensive turque. Les missiles de croisière français seraient capables de neutraliser les centres de commandement de la progression terrestre, tandis que les sous-marins nucléaires d’attaque de la Marine nationale seraient capables rapidement de prendre l’ascendant sur la flotte turque. Mais avant tout, le déploiement rapide de forces terrestres européennes en Grèce et à Chypre serait pour la Turquie un piège redoutable : tirer sur un groupement tactique français ou italien conduirait le conflit à « changer d’échelle », ce que personne, en fait, ne souhaite.
Conclusion – la « désescalade, les armes à la main », une chance pour l’Europe ?
De manière paradoxale, chaque situation de conflit possible illustre le fait que, pour les Européens, la meilleure voie vers la désescalade passe par l’affirmation concrète du soutien militaire à Athènes et Nicosie. La Grèce est bien en position de faiblesse militaire face à Ankara, et ce de manière transitoire. Les problèmes intérieurs en Turquie et le calendrier international concourent à rendre une intervention turque tentante pendant un temps limité, après lequel elle deviendrait plus difficile. C’est donc pendant cette année « cruciale » qu’il importe pour les Européens de rester ferme sur les lignes rouges de l’Union européenne tout en maintenant ouvert un dialogue avec Ankara. Il faut faire comprendre au président Erdogan que la force n’est « pas une option viable » malgré les apparences.
Toutes les revendications turques ne doivent pas être rejetées d’un revers de main : les différents concernant l’exploitation des ressources maritimes doivent pouvoir faire l’objet de négociations et d’arbitrages internationaux. Ainsi, la France et le Canada se sont soumis à un arbitrage à propos de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a permis à la fois la réaffirmation de la souveraineté française et la préservation de droits canadiens, chaque partie acceptant finalement une résolution qui ne répond pas à « toutes » ses revendications [49]. La solution ne passe pas forcément par le tracé de lignes équidistantes, mais en tous cas elle ne doit en aucun cas passer par des prises de gages unilatéraux par la force. Si le projet européen a une spécificité au regard de l’histoire, c’est celle du gouvernement par les lois et non par la force. Mais pour faire prévaloir la loi, il faut, parfois, être prêt à l’usage de la force. C’est un paradoxe auquel les Européens ne savent plus guère faire face, sans les Américains.
Paradoxalement, le silence de Washington est une chance pour les Européens : même si l’Europe du nord souhaite conserver la menace russe sous contrôle, une solidarité, même minimale, avec les pays d’Europe du sud serait à même de rassurer l’ensemble des peuples européens sur la pertinence du projet de l’Union européenne, même « sans les protecteurs ». Historiquement, si la majorité des gouvernements a souhaité s’en remettre à Washington pour garantir la sécurité du vieux continent, c’est en grande partie du fait de l’incurie séculaire du « concert des nations » mené par Londres, Berlin et Paris. Aujourd’hui, en Méditerranée, les Européens ont la possibilité de montrer qu’ils peuvent être maîtres d’une partie de leur destin.
Stéphane AUDRAND
NOTES
[1] « Ankara confirme que son navire a regagné la côte turque », 13 septembre 2020, 24heuresCH, https://www.24heures.ch/
[2] De manière intéressante, le célèbre ouvrage « Fleet Tactics » positionnait son scénario décisif de la Guerre froide en mer Egée. Voir Wayne P. Hughes : Fleet Tactics – theory and practice, Annapolis, 1986, USNI Press, 316 p., pages 277-284.
[3] “Turkish Navy set to build its own frigate”, Hürriyet Daily News, 21 décembre 2012, https://www.hurriyetdailynews.com/.
[4] “Depleted by coup, Turkish air force seeks to lure back seasoned pilots”, Reuters, 10 novembre 2016, https://www.reuters.com/.
[5] “Armor: Turkish Leopards Find Redemption”, Strategy Page, 29 septembre 2019, https://www.strategypage.com/.
[6] “Russia and Ukraine’s mystery tanks”, BBC, 14 juin 2014, https://www.bbc.com/.
[7] Sauf mention contraire : International Institute for Strategic Studies : The Military Balance 2018 ; Londres, Routledge, 2018.
[8] “Turkey Domestic Arms Industry”, Global Security, septembre 2020, https://www.globalsecurity.org/.
[9] “Turkey’s unprecedented ascent to drone superpower status”, DroneWars, https://dronewars.net/.
[10] “Turkey, Pakistan, Korea and Japan SLAM ER and Harpoon Foreign Military Sales”, Deagel, 30 mars 2007, https://www.deagel.com/.
[11] “Turkey finalizes 200 km range missile tests”, Hürriyet Daily News, 14 septembre 2012, https://www.hurriyetdailynews.com/.
[12] « Turkey officially kicked out of F-35 program, costing US half a billion dollars”, Defense News, 17 juillet 2019, https://www.defensenews.com/
[13] « La Grèce voudrait disposer de ses premiers avions de combat Rafale dès 2021 », Opex360, 14 septembre 2020.
[14] « Une vidéo montre un F-16 turc en fâcheuse posture face à un Mirage 2000-5 grec », Opex360, 6 mai 2020, http://www.opex360.com/.
[15] “Greece Is Sending Patriot Missiles To Saudi Arabia To Guard « Critical Energy Infrastructure”, The Drive, 5 février 2020, https://www.thedrive.com/.
[16] “Greece orders Mica and Scalp”, Key Aero, 23 décembre 2003, https://www.key.aero/.
[17] “European Defense Information – Cyprus”, Armed Forces, 2018, http://www.armedforces.co.uk/.
[18] « Traité de lausanne », OrientXXI, 1e octobre 2014, https://orientxxi.info/.
[19] Cour Internationale de Justice : Affaire du plateau continental (Jamahiriya Arabe Libyenne / Malte) ; Arrêt du 03 juin 1985, voir en particulier page 56.
[20] « Accord sur les ZEE entre la Turquie et la Libye : l’Union européenne au pied du mur », Theatrum Belli, 6 décembre 2019, https://theatrum-belli.com/.
[21] “Turkey accelerates plans to drill in disputed Mediterranean waters”, World Oil, 6 mars 2020, https://www.worldoil.com/.
[22] Voir Schenk, C.J., Kirschbaum (col.) : Assessment of undiscovered oil and gas resources of the Levant Basin Province, Eastern Mediterranean ; U.S. Geological Survey Fact Sheet, 2010-3014, 4 p. http://energy.cr.usgs.gov/
[23] « Méditerranée : la bataille du gaz », Affaires Etrangères, France Culture, 12 septembre 2020, https://www.franceculture.fr/ (podcast).
[24] « Why the Turkish lira is in free fall”, DW, 17 août 2020, https://www.dw.com/.
[25] “Erdogan’s AKP says to ally with nationalists for 2019 elections”, Reuters, 21 février 2019, https://www.reuters.com/.
[26] “Turkey’s main opposition CHP condemns Macron’s ‘unacceptable’ remarks on President Erdoğan”, Daily Sabah, 11 septembre 2020, https://www.dailysabah.com/.
[27] “Exclusive: EU fumes at Turk migration ‘blackmail’, mulls more money for Ankara”, Reuters, 3 mars 2020, https://www.reuters.com/
[28] « Emmanuel Macron cherche une riposte commune face à la Turquie », Les Echos, 10 septembre 2020, https://www.lesechos.fr/.
[29] « Italy’s Eni says doesn’t want ‘gas well war’ off Cyprus”, France24, 10 octobre 2019, https://www.france24.com/.
[30] “Italian Military Operations: Coping with Rising Threats and Declining US Leadership”, Istituto Affari Internazionali, 4 mars 2020, https://www.iai.it/.
[31] « Le chef d’état-major de la Marine nationale aimerait pouvoir disposer de 35 frégates », Opex360, 15 novembre 2019, http://www.opex360.com/.
[32] «Le couple franco-allemand n’existe plus : le refus de Merkel de soutenir la Grèce et la France face à Erdogan le prouve», Le Figaro, 21 août 2020, https://www.lefigaro.fr/.
[33] « Will Germany Rethink Defense? », Defense Info, 17 août 2020, https://defense.info/.
[34] “Where is Northern Europe’s security Plan B?”, EU Observer, 28 août 2020, https://euobserver.com/
[35] “Asked about Imia scenario, Pompeo expresses support for sovereign values”, Ekathimerini, 06 octobre 2019, https://www.ekathimerini.com/.
[36] « Israel opposes Turkey-Libya maritime border accord », Reuters, 23 décembre 2019, https://www.reuters.com/.
[37] “Cyprus says Putin to help defuse East Med tensions with Turkey”, Al Jazeera, 30 juillet 2020, https://www.aljazeera.com/.
[38] “Russian money in Cyprus: Why is there so much?”, BBC, 18 mars 2013, https://www.bbc.com/.
[39] “Lavrov: Russia ready to help ease Turkey-Greece tension”, Associated Press, 9 septembre 2020, https://apnews.com/.
[40] “Dithering Britain is in denial about EU-Turkey geopolitical time bomb”, The Telegraph, 13 août 2020, https://www.telegraph.co.uk/
[41] “Turkish President May Call Elections 2 Years Before The End Of His Term”, NPR, 25 mai 2020, https://www.npr.org/.
[42] Admiral James A. Winnefeld, U.S. Navy (Retired), and Michael J. Morell : “The War that Never Was?” ; Août 2020, Proceedings, Annapolis, USNP, https://www.usni.org/.
[43] « Deadly 1996 Aegean clash is confirmed », Ekathimerini, 20 mai 2003, https://www.ekathimerini.com/.
[44] « Libye : que s’est-il passé entre la frégate Courbet et la marine turque ? », L’Opinion, 23 juin 2020, https://www.lopinion.fr/.
[45] “Greek, Turkish warships in ‘mini collision’ Ankara calls provocative”, Reuters, 14 août 2020, https://www.reuters.com/.
[46] Voir Niklas Bergdahl Jonsson : Legal Issues on Self-Defense and Maritime Zones in Naval Operations ; Faculty of law, University of Lund, 2008, 55 pages, https://lup.lub.lu.se/.
[47] « Vers une clause de défense mutuelle entre la France et la Grèce ? », Opex360, 11 septembre 2020, http://www.opex360.com/.
[48] 850 hommes de la UNFICYP : https://peacekeeping.un.org/fr/mission/unficyp.
Bonjour, travail particulièrement utile notamment sur le rapport de forces entre les différentes parties prenantes.
un doute. dans la partie ressources en gaz, vous les évoquez comme étant peu importantes. la source 22 est de 2010 si je lis bien?
Dans mon article du 14 août , je précise des chiffres de 2019 issus des articles du csis. org, soit « Quatre-vingts billions de M3 des réserves mondiales déclarées et estimées à environ 200 billions de mètres cubes sont localisés dans la région du Moyen-Orient » . A quels chiffres faut-il se fier? Si effectivement les ressources estimées sont si faibles, quel intérêt de vouloir contrôler ces ZEE?
cordialement
80 billions prouvés, 120 billions potentiels. Billions dans l’échelle longue français pas dans l’échelle courte anglaise. Les Anglo-saxons parlent eux de trillions ou téra mètre cube.
Cela correspond peut ou prou à l’équivalent des réserves en mer du Nord (Royaume-Uni + Hollande + Allemagne + Danemark + une partie des réserves norvégiennes) au début de leur exploitation en 1970.
C’est loin d’être négligeable, les réserves de la mer du Nord ayant fourni une part substantielle de la consommation gazière européenne depuis 50 ans et la production est désormais entrée en déclin.
Bonsoir.
Encore un article de belle qualité, merci. Je souhaiterai émettre un commentaire; laissez moi donc me présenter pour savoir qui s’exprime.
BRASSET Rémy
Agrégé de mécanique, enseignant (EN) en STS FED option DBC
pacifiste par idéalisme
soutien à nos forces armées par réalisme
Les présentations étant faites, venons en à notre sujet:
« CRISE EN MÉDITERRANÉE : QUELS SCÉNARIOS DE CONFLIT ? »
Attention, citations à remettre dans le contexte de l’article:
n°1 : « Pour la Grèce et Chypre, les buts principaux de la crise actuelle sont le maintien du statut quo territorial et l’affirmation de leur souveraineté sur leurs zones économiques exclusives, découlant d’une interprétation stricte de la Convention des Nations Unies pour le Droit de la Mer (CNUDM) dite « de Montego Bay » de 1982 (que la Turquie n’a pas ratifiée). »
n°2: « Pour la Turquie, il s’agit avant tout de faire valoir que la répartition des zones maritimes en Méditerranée qui découle de l’application stricte de la CNUDM, et des ressources qui y sont liées, est inéquitable. Le pays s’appuie sur divers avis de la cour internationale de justice (CIJ), »
n°3 : « les différents concernant l’exploitation des ressources maritimes doivent pouvoir faire l’objet de négociations et d’arbitrages internationaux. Ainsi, la France et le Canada se sont soumis à un arbitrage à propos de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a permis à la fois la réaffirmation de la souveraineté française et la préservation de droits canadiens, chaque partie acceptant finalement une résolution qui ne répond pas à « toutes » ses revendications [49]. La solution ne passe pas forcément par le tracé de lignes équidistantes, mais en tous cas elle ne doit en aucun cas passer par des prises de gages unilatéraux par la force. »
Encore une fois, bravos, tout est dit:
A. Citations 1 et 2 (à remettre dans le contexte de l’article): le problème est énoncé clairement.
B. Citation 3 : la solution est proposée.
Remarque : en aucun cas je ne suis « pro » Erdogan. Le mot souveraineté est de retour en mode. Mettons nous à la place d’un dirigeant turc et regardons la carte. N’y a t’il pas un problème?
La citation 2 prend tout son sens. Sauf que le droit international … oh wait… la convention citée n’a pas été ratifiée par « mon pays » (bravos les dirigeants de cette époque).
Et voilà, le nœud gordien (SVP, on évite le point Godwin)
D’où la citation 3: la solution passe par une médiation internationale.
Oui, ok, d’accord, ca semble être le bon sens; sauf que …
Ni la Turquie
Ni la Grèce
ne la demande
Hallo, Youston, we’ve got a problem
Mais la diplomatie et ses contacts discrets pourront, peut-être, trouver un compromis acceptable.
En espérant avoir fait avancer le schmilblick
Cordialement, et toujours un plaisir de vous (TB) lire
Rémy Brasset
Article très enrichissant pour l’étudiant que je suis. J’aurais toutefois une question car je ne suis pas encore très doué dans la recherche bibliographique : y a-t-il une source en particulier sur laquelle vous vous êtes basés pour dépeindre l’ensemble des effectifs militaires grecs/turcs ? Si oui est-il possible d’en avoir le nom ? (j’ai bien vu The Military Balance mais ce livre ne semble pas être facilement accessible)
Merci d’avance