« Servir », l’ouvrage du général d’armée Pierre de Villiers mérite d’être lu par tout citoyen souhaitant comprendre la réalité des deux menaces majeures contre notre nation sinon notre société : l’émergence de nouvelles menaces militaires des puissances qui se remilitarisent et l’islamisme radical. Le monde est redevenu dangereux.
« Servir » est publié dans une période opportune. Le président de la République multiplie les discours de fermeté, sinon guerriers. Avec la participation des forces armées françaises, le groupe « état islamique » a été battu sur le terrain en Syrie et en Irak, malgré quelques contre-attaques sporadiques et sans aucun doute une stratégie de guérilla et d’actes terroristes à venir, y compris sur notre territoire. L’actualité le rappelle chaque semaine. Nous avons aussi commémoré ce 11 novembre les soldats « morts pour la France » et le souvenir des attentats du 13 novembre 2015 sera commémoré cette semaine.
« Servir ». Ce simple mot peut signifier à lui seul ce que parfois beaucoup oublient dans notre société : « servir oui, se servir, non ». Le général de Villiers a montré dans cet ouvrage sa loyauté au président de la République, ce qui est tout à fait à son honneur de soldat. Son ouvrage n’est pas polémique mais 43 ans d’armée conduisent à une autocensure préjudiciable.
Cependant, le manque de respect à son égard le 13 juillet, les retours anonymes sur la satisfaction de certains conseillers sur l’expression de la fermeté du président, l’arrogance et la manipulation post-crise du porte-parole Castaner ne sont pas l’honneur du clan présidentiel (Cf. Mon billet du 16 juillet 2017 et Mon billet du 23 juillet 2017). Il est tellement facile pour un politique de maltraiter publiquement et sans grand risque un général bien que ce comportement inapproprié ne soit pas resté sans effet négatif pour la popularité du président de la République.
A travers cet ouvrage, le général de Villiers montre la valeur de l’exemple du chef militaire qui est le seul chef « syndical » légitime au nom de « ses » camarades subordonnés. Cependant, un militaire qui s’intéresse au quotidien à son institution, apprendra peu de choses. Il aura seulement, et ce n’est ni anodin, ni inutile les précisions nécessaires concernant la démission du chef d’état-major des armées.
En effet, la désinformation politique autour de son départ méritait d’être dénoncée.
- Le chef d’état-major des armées a pris sa décision le 17 juillet Cette première démission est refusée par le président de la République. Elle sera posée une seconde fois le 19 juillet.
- Le soutien exprimé par la communauté de défense à Balard le 19 juillet lors de son départ du ministère des armées n’a pas été orchestré.
- En marge de la publication de cet ouvrage, Il désigne l’origine de la fuite qui a entrainé sa réaction le 12 juillet – la suppression de 850 millions d’euros sur décision de Bercy – est attribuée… à Bercy (Cf. Interview de l’ancien chef d’état-major des armées sur RTL le vendredi 10 novembre 2017).
En revanche, le citoyen apprendra beaucoup sur la réalité et l’appauvrissement des armées, année après année. Ouvrage pédagogique. Seulement des faits, la réalité. Cela était nécessaire pour exprimer les besoins urgents à satisfaire pour assurer la protection des Français.
J’ai retenue quelques réflexions de Pierre de Villiers qui méritent d’être citées d’autant qu’elles ont été à un moment ou à un autre évoquées sur mon blog.
« La violence recule devant la force ».
Le besoin d’une capacité à imposer légalement et légitimement la volonté de l’Etat en temps de crise ou en temps de guerre justifie l’effort de défense.
« Il est urgent de réapprendre la guerre » d’autant qu’un conflit dure aujourd’hui de dix à quinze ans. Le « first in, first out » d’un ancien CEMA mais aussi d’un certain nombre de politiques est caduque. Encore fallait-il dire. Cela est fait par une haute autorité militaire. Cela signifie qu’une stratégie militaire doit être protégée des aléas politiques liés par exemple à des mandats présidentiels de cinq ans pour la France. Cela conduit aussi à une nécessaire information, sinon une formation sur les questions de défense et de sécurité pour la classe politique. L’IHEDN n’y suffira pas.
La guerre contre la désinformation et l’action sur les perceptions sont devenues incontournables dans un conflit : «la perception construit la réalité », devise de la fonction « communication stratégique » de l’OTAN. Elle signifie que le fait ne suffit plus aujourd’hui pour que l’opinion y croit. C’est sa perception qui donnera le sens au fait, non la parole politique, beaucoup moins les médias. La perception est façonnée par les réseaux sociaux et la propagande qui y circule.
Le général de Villiers souligne que nos ennemis préparent la guerre désormais contre nous, sur notre territoire. Cette situation commence à être reconnue et la prise de conscience fait son chemin, notamment avec le retour des djihadistes français et de leurs familles sans oublier les 11 attentats évités depuis janvier 2017.
« Notre modèle s’est alors contracté autour d’un cœur de métier minimaliste » … qui a abouti à la désorganisation du soutien aux armées. Cette notion du « cœur de métier », pourtant critiquée à voix basse, a cependant été validée avec « loyauté » par tous les chefs militaires depuis 2008…
Rappeler à nouveau que 63% des personnels militaires sont des contractuels, donc des personnels sous contrat aisément « remis à la disposition de la société civile » était utile à rappeler ;
Enfin, « L’armée exige un engagement total, à la fois individuel et collectif qui conduit, on ne peut jamais l’oublier à risquer dans le combat sa propre vie comme celle de l’ennemi ». Il était bon de le rappeler car nous sommes en guerre pour longtemps. La revue stratégique d’octobre 2017 (Cf. Mon billet du 22 octobre 2017) devra répondre à notre sécurité d’aujourd’hui et de demain.
Néanmoins, le général de Villiers a au moins exprimé ses doutes sur le budget 2018, dont l’augmentation n’en est pas une en soi. Mais cela était prouvable malgré la communication politique d’accompagnement. S’il y a respect de l’engagement présidentiel, cet effort ne sera constatable qu’avec le budget 2019 (Cf. Mon billet du 1er octobre 2017).
Dans tous les cas, cet ouvrage doit être lu par le plus grand nombre.